2765. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE FINCKENSTEIN A SAINT-PÉTERSBOURG.

Potsdam, 18 septembre 1747.

J'ai reçu presque à la fois les dépêches que vous m'avez faites le 26 et le 29 du mois dernier, avec celle du 2 de ce mois. Les assurances que vous venez de me réitérer de ce que -tout est paisible là où vous êtes, que l'Impératrice est dans des dispositions pacifiques et que la situation présente des affaires de ce pays-là est telle que je n'ai nul lieu d'en craindre quelque chose, m'ont fait beaucoup de plaisir. Quant au reste, je vois bien qu'il faudra pousser le temps par les épaules et attendre aussi tranquillement que l'on peut des événements favorables à tourner les affaires. C'est aussi pourquoi j'approuve parfaitement le parti que vous avez pris pour ménager mes intérêts,478-1 en attendant que les conjonctures nous deviennent plus favorables. Cependant, malgré toute la mauvaise volonté du Chancelier, je crains peu de chose de la Russie, aussi longtemps qu'elle tirera des subsides de l'Angleterre, parceque je suis assez informé qu'il y va, dans les circonstances présentes, de l'intérêt de l'Angleterre que je ne sois point commis avec la Russie. Je ne suis pas même embarrassé sur les largesses que le Chancelier peut recevoir de la cour de Vienne, pourvu qu'en même temps l'Angleterre paie des subsides à la cour de Pétersbourg et retienne par là celle-ci dans une espèce de dépendance, puisque, encore une fois, je suis assuré que le gouvernement présent ne me veut pas tant de mal jusqu'au point de me voir en guerre contre la Russie.

Sur ce qui est du secret que l'ami important n'a pas encore voulu vous révéler, je commence à présumer que cette affaire regarde princi<479>paiement son personnel, quoique je puisse y entrer pour quelque chose; dans cette supposition, je crois que vous ferez bien de ne pas trop presser notre ami là-dessus.

Quant à ce qui regarde l'affaire dont il vous a fait confidence, touchant un officier que je dois avoir envoyé à Vienne pour entrecepter les chiffres de Lantschinski, et qui, après que son entreprise ait échoué, doit être passé en Hongrie, j'avoue que j'ai été surpris de ce que mes ennemis peuvent aller si loin, jusqu'à vouloir me charger de telles calomnies; en attendant, vous pouvez assurer hardiment notre ami que toute cette histoire, quelque circonstance qu'on l'ait mandé à Pétersbourg, n'est qu'un conte fait à plaisir, ou plutôt un mensonge indigne, malicieusement controuvé de ceux qui aimeraient à me mettre tout-à-fait mal avec l'Impératrice. Il est vrai qu'un coquin polonais, se disant secrétaire de Lantschinski, est venu un jour, il y a plusieurs mois, s'offrir de son propre mouvement à mon ministre à Vienne de vouloir lui procurer les copies de différents papiers du sieur Lantschinski; mais comme mon ministre l'a d'abord reconnu pour fourbe et l'a pris pour un homme aposté peut-être tout exprès pour lui jouer pièce, il l'a chassé de sa maison avec défense expresse de n'y jamais plus mettre pied, sous peine d'être traité comme il faut; et voilà apparemment ce qui a donné lieu à ce conte infâme dont vraisemblablement les auteurs de cette pièce ont régalé après cela le sieur Lantschinski, pour lui en imposer et aigrir par là d'autant plus la cour de Pétersbourg contre moi; ce que je ne vous dis pourtant que pour votre direction seule. Au reste, comme je suis présentement de retour de la Silésie, et que l'événement m'a encore justifié des bruits ridicules que les Autrichiens ont semés dans le monde, en me supposant des desseins contre la reine de Hongrie, vous devez non seulement en parler à l'ami important, mais tâcher encore de faire relever cela sous main par des gens affidés auprès ceux du Sénat à Pétersbourg, en leur faisant insinuer que c'était encore une nouvelle preuve combien les Autrichiens prenaient à tâche de brouiller la Russie avec moi, par des suppositions qu'on trouvait cependant, à la fin, fausses et controuvées.

Federic.

Nach dem Concept.



478-1 „Le seul parti qui reste à prendre, est celui de ménager les anciens amis, pour être instruit de ce qui se passe, et d'attendre patiemment un temps et des événements plus favorables.“ (Finckenstein's Bericht vom 2. Sept.)