2863. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS, ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE, A VIENNE.

Berlin, 12 décembre 1747.

J'ai reçu votre dépêche du 2 de ce mois. Vous ne devez pas être fort embarrassé sur tout ce qui se chipote avec l'Espagne en Angleterre ni sur tout ce qui se négocie ailleurs par rapport à la paix; je suis persuadé qu'on n'y pense point sérieusement et qu'on ne la fera pas pendant cet hiver-ci. L'Angleterre fait ses derniers efforts pour faire une campagne vigoureuse; si elle ne leur succède pas, ce sera alors qu'ils feront la paix tout comme ils pourront, et je présume qu'alors l'Impératrice-Reine sera obligée de faire encore quelques sacrifices; mais si cette campagne va mal pour la France, l'on voudra pousser les progrès et ne point encore entendre parler de la paix.

Au surplus, je viens de voir une lettre fort secrète, écrite de Vienne, par laquelle on mande dans la dernière confidence à quelqu'un ici<543> qu'aussitôt que les troupes russes seraient arrivées dans l'Empire, on partagerait l'armée des alliés aux Pays-Bas, qu'on n'en laisserait au duc de Cumberland que 60,000 hommes, et que le reste irait se joindre aux troupes russes pour former une armée redoutable sous les ordres du prince Charles de Lorraine, à qui on donnerait pour adjoints le feld-maréchal Neipperg et le général Bernes, qui, à cette fin, serait rappelé d'ici et relevé par le comte Esterhazy dont je vous ai demandé par la dernière ordinaire le caractère. De plus, on voudrait que cette armée pénétrât du côté de la Moselle en France, pour y établir le théâtre de la guerre. J'ai bien voulu vous faire part de toutes ces circonstances, quoique sous le secret le plus absolu, pour ne pas me faire perdre le canal d'où je les ai apprises.

Comme l'Impératrice-Reine continue toujours de penser si mal sur mon sujet, je ne saurais être trop fâché des brouilleries qui sont arrivées entre elle et entre l'Empereur; si ces brouilleries continuaient et venaient même jusqu'à un certain éclat, elles feraient bien du tort aux affaires de l'Impératrice-Reine. Pour vous aider dans la recherche de l'état actuel de ses revenus, et surtout de ceux qu'elle tire de l'Autriche et de la Hongrie, je vous enverrai au premier jour un dénombrement des revenus qu'elle a tirés de ces provinces au commencement de son règne, qui pourra vous servir de canevas, afin d'approfondir avec autant plus de justesse comment cela s'accorde avec l'état présent de ses finances.

Federic.

Nach dem Concept.