3134. AU CONSEILLER BARON LE CHAMBRIER A PARIS.

Magdebourg, 29 juin 1748.

J'ai été surpris de voir, par votre dépêche de 17 de ce mois, que les bruits qui courent là où vous êtes d'un prétendu mécontentement que j'avais conçu de la signature des préliminaires de paix, ont pu tellement prendre cours et s'accréditer que même les ministres de France et des personnes sensées et honnêtes y paraissent ajouter foi en quelque manière. Ma façon de penser vous est trop bien connue pour que vous ne dussiez juger par vous-même que ces bruits sont tout-à-fait controuvés et calomnieux, et je ne saurais me figurer autre chose à leur égard si ce n'est que la malice des Saxons les a produits et que ceux du parti autrichien les portent et tâchent de les faire valoir. Je vous autorise donc et vous devez déclarer lesdits bruits faux et malicieusement controuvés, et je veux que vous leur donniez hautement le démenti partout où il en sera besoin, mais vous direz en outre au marquis de Puyzieulx que je prenais véritablement part à ce que le roi de France venait de rendre la paix à l'Europe d'une manière qui lui était d'autant plus glorieuse qu'elle était moins intéressée; que bien loin que j'en eusse jamais témoigné le moindre mécontentement, j'étais pénétré de la plus vive reconnaissance envers Sa Majesté Très Chrétienne de ce qu'elle avait bien voulu m'inclure dans ces préliminaires; qu'en attendant je ne pourrais point lui cacher que c'était le marquis de Valory lui-même qui avait jeté partout de hauts cris contre ces préliminaires, qu'il en avait<156> fait ses doléances à tous ceux qui les avaient voulu entendre, et que de mon côté je l'avais fait avertir en secret de son imprudence.

Vous insinuerez au marquis de Puyzieulx qu'il se pourrait peut-être qu'on eût mis ces explications peu mesurées du marquis de Valory sur mon compte. Que je le faisais avertir ingénûment, lui, le marquis de Puyzieulx, qu'après que le marquis de Valory eut fait autant de bruit sur les préliminaires, je m'étais une bonne fois donné l'innocent plaisir, sachant le caractère de ce marquis qui se fâchait aisément et avec qui on se divertissait quelquefois en le mettant en feu, mais qui se radoucissait d'abord qu'on lui disait quelque chose de flatterie sur le personnel du maréchal de Belle-Isle — je m'étais, dis-je, donné l'innocent plaisir de l'agacer un tant soit peu, que cependant je ne pouvais pas concevoir que le marquis de Valory dût avoir pris des plaisanteries pour des choses sérieuses et en eût fait rapport de la sorte à sa cour. Que, si toutefois il en avait agi ainsi, j'espérais que lui, le marquis de Puyzieulx, ne voudrait pas prendre pour un tout de bon ce qui peut-être s'était passé entre le marquis de Valory et moi simplement pour nous égayer un peu ; que tout au contraire le marquis de Puyzieulx pouvait compter fort et ferme sur une continuation de sentiments invariablement bons de ma part.

Qu'au reste je me donnerais bien des gardes de parler à l'avenir, de façon que ce puisse être, d'affaires, soit avec le marquis de Valory ou tel autre ministre étranger. Vous ne manquerez pas de faire toutes ces insinuations au marquis de Puyzieulx d'une manière tout-à-fait honnête et des plus convenables.

Federic.

Nach dem Concept.