3689. AU CONSEILLER BARON LE CHAMBRIER A PARIS.

Potsdam,6 juin 1749.

J'ai appris avec satisfaction, par la dépêche que vous m'avez faite du 26 du mois passé de mai, que les ministres du roi de France commencent à penser sérieusement au rétablissement de sa marine, et que son Conseil est animé du même esprit pour arriver à ce but. C'est une chose indispensablement nécessaire à la France, et qui tiendra bien en respect ses ennemis. Quant aux affaires du Nord, mes lettres continuent à me marquer que selon toutes les apparences le chancelier Bestushew ne se laissera pas si tôt rebuter dans la poursuite de ses intrigues et de ses machinations à la cour d'Angleterre, malgré le peu de jour qu'il voyait jusqu'ici de l'entraîner dans ses vues, de façon que, tant qu'il lui restera la moindre lueur d'espérance de pouvoir dissiper les sentiments pacifiques de cette cour, il ne cesserait point de mettre en usage tout ce que son esprit fourbe lui fournirait d'expédients pour y réussir, voyant bien que, malgré toute sa rage contre la Suède, il ne saura s'embarquer dans aucune entreprise de vigueur contre elle sans la concurrence de l'Angleterre. Mais comme ces affaires n'allaient pas assez bien à son gré et à celui de sa clique, on n'avait pas de la peine à s'apercevoir par la conduite du Chanceher et du ministre autrichien, le général Bernes, de leur animosité et du dépit qui les rongeait de rencontrer tant de difficultés pour suivre leur pointe. L'on ajoute que le chancelier Bestushew ne cessait pas de presser le lord Hyndford de faire de nouvelles représentations à sa cour sur la nécessité absolue qu'il y avait d'être sur ses gardes contre la Suède et ses alliés, afin d'être prêt à s'opposer à forces réunies aux desseins que les Suédois pouvaient avoir de changer la forme de leur gouvernement présent après le décès du roi de Suède.

Pour ce qui est de mes lettres de Vienne, elles confirment que la cour de Vienne ne néglige rien au monde pour gagner le sieur Blondel et pour lui faire accroire que toutes les alarmes que j'avais données à sa cour, n'étaient que des chimères inventées à dessein pour semer et<551> entretenir une défiance continuelle entre la France et l'Impératrice-Reine, et quoique le sieur Blondel convînt que la cour de Vienne avait eu des desseins dangereux, que néanmoins les discours mentionnés, avec d'autres illusions que la cour de Vienne s'efforce à lui faire, n'avaient pas laissé de l'ébranler d'autant plus qu'il se berçait de l'idée qu'il saurait être l'instrument pour rétablir une parfaite confiance entre la France et la cour de Vienne et même de rapprocher celle-là avec la Russie, et que de la part de la cour de Vienne l'on avait tout le soin de l'entretenir dans cette erreur. Ce que je ne vous communique cependant qu'absolument pour votre direction seule et pour vous faire voir combien la cour de Vienne a pris à tâche présentement de détacher, s'il est possible, la France de moi et d'endormir celle-ci sur ses vrais desseins.

Federic.

Nach dem Concept.