ANHANG.

Vergl. S. 34 Anm. 3.

RELATION DU MARQUIS DE VALORY, ENVOYÉ DE FRANCE A BERLIN, AU MARQUIS DE PUYZIEULX, SECRÉTAIRE D'ÉTAT DE FRANCE, A VERSAILLES.

Berlin, 21 février 1748.

Monseigneur. C'est pour me conformer, Monseigneur, avec exactitude aux intentions du roi de Prusse, que je n'ai point eu l'honneur de vous mander dans ma dernière du 17 que j'avais été mandé à Potsdam, ainsi que la conversation que j'ai eue avec ce Prince le 16. Le 15, M. de Podewils me fit prier de passer chez lui et me montra une lettre qu'il venait de recevoir du Roi son maître, conçue dans ces termes : « Mon cher Podewils, dites à Valory qu'il me fera plaisir de se rendre ici. J'ai des choses à lui communiquer qui importent fort au service du Roi son maître. Cherchez avec lui quelque prétexte pour autoriser son voyage vis-à-vis des autres ministres étrangers. »

Le prétexte que j'ai pris, a été de supposer que j'avais reçu la lettre de félicitation de Sa Majesté sur la naissance d'un second prince de Prusse,582-1 et que j'avais ordre de m'étendre verbalement sur l'intérêt que le Roi prenait à la satisfaction de Sa Majesté Prussienne. C'est ce que j'ai dit à Potsdam aux princes et autres qui ont paru surpris de me voir, parcequ'il est d'usage de ne s'y présenter qu'avec permission.

Le roi de Prusse, après m'avoir fait quelques plaisanteries sur mon arrivée, m'appela dans son cabinet et me dit : « Vous me remettrez votre lettre. » Le début de ce Prince a été : « :Mon cher Valory, êtes-vous capable d'un secret, mais d'un secret à toute épreuve? Songez au serment que vous avez fait à votre maître et à ce que vous devez à la confiance que je vous marque. »

Vous ne doutez pas, Monseigneur, que je ne lui aie promis tout ce qu'il voulut.

»Promettez-moi, me continua-t-il, de faire tout ce que je vous prescrirai. En premier lieu, j'exige qu'il n'y ait que le Roi et M. de Puyzieulx qui sachent ce que je vais vous dire, et, pour en être plus sûr, que votre lettre soit chiffrée et envoyée par un de vos gens dont vous soyez assuré. Car je commence à croire qu'il est vrai qu'on a à Vienne<583> le secret de déchiffrer toutes sortes de chiffres, quelque extraordinaire que cela soit. J'en ai un avec Podewils, de qui je suis aussi sûr que de moi-même; les lettres que je lui écris sont chiffrées devant moi, et il chiffre les siennes lui-même : malgré cela, je suis quasi certain qu'ils ont intercepté quelques-unes de mes dépêches. Les vôtres passent par les bureaux de l'Empire. Ne doutez pas qu'elles ne soient ouvertes et envoyées à Vienne.583-1 Il est important que vous sachiez que Walrave est un traître. Je suis parvenu à découvrir et à m'assurer de ses menées. Il a été gagné par Keyserlingk et Bernes. Ce misérable a communiqué au dernier le plan de Mastricht avec les projets d'attaque que je lui avais demandés et que j'ai envoyés au comte de Saxe,583-2 afin de le prévenir sur ce que vous deviez faire à ce sièée et fournir aux alliés les moyens de faire avorter vos projets. Il en a donné pour ajouter des ouvrages au fort Saint-Pierre. Il a fait plus, c'est de donner un plan avec le projet pour reprendre Berg-op-Zoom, qu'il connaît parfaitement. C'est ce plan que j'attends de Magdebourg, et que je vous ferai remettre dès que je l'aurai. Ces deux ministres se sont servis de Bülow, et c'est lui qui, au moyen de ses anciennes liaisons avec ce malheureux, a conduit la trame. Je lui en sais peu de mauvais gré, parcequ'en cela il a suivi les ordres de sa cour, qui a imaginé ce moyen pour me brouiller avec le Roi votre maître. Le projet de ce coquin était de se faire envoyer à votre armée583-3 et de tâcher non seulement à nous nuire par de fausses idées qu'il comptait donner à vos généraux, mais encore d'instruire les Autrichiens de tout ce qui leur importerait de savoir. Qu'eût dû penser de moi le Roi votre maître : n'eût-il pas eu raison de concevoir de moi de violents soupçons? Y a-t-il rien de plus abominable que ce projet, pour l'indisposer?

»Je sais, me continua-t-il, qu'Ulfeld méprise les Saxons, mais il les ménage, pour en faire usage contre moi. Il a dit qu'il fallait s'en servir à quelque prix que ce fût, pour brouiller le roi de Prusse avec la France. Voyez, après cela, ce que je dois penser d'eux. Ils finiront par vous tromper, soyez-en sûr. L'Angleterre et la cour de Vienne gagnent insensiblement du terrain à Dresde. Je suis persuadé que le roi de Pologne ne fait rien de tout cela. Ces trois ministres, Bülow, Bernes et de Keyserlingk, devaient aller avec Walrave à Magdebourg. Au moins la partie était faite avec les deux derniers, sous le prétexte d'acheter des tableaux que ce misérable a emportés de Prague, qui peuvent valoir environ 2,000 écus : et la cour de Pétersbourg lui en donnait 40,000! Je me divertis à faire dire à Keyserlingk583-4 que, si ces tableaux faisaient plaisir à sa souveraine, ils étaient à son service au prix qu'il en avait offert. Je tiens bien mon coquin. Il ne m'échappera pas.

Faites attention qu'il n'y a que vous qui savez le véritable motif de son arrêt, que M. de Podewils même l'ignore, et je vous défends de<584> lui en parler. Tenez votre lettre prête, et dès que je vous aurai fait remettre ce plan de Berg-op-Zoom, avec ce que j'aurai pu apprendre, d'ici à ce jour, qui intéresse le Roi, faites partir votre courrier le plus secrètement que vous le pourrez.«584-1

Voilà, Monseigneur, en grande partie les mêmes termes que Sa Majesté Prussienne a employés en me parlant. Il ne tarissait pas sur les intentions de la Saxe, ou, pour mieux dire, sur les particularités de M. de Brühl, de le brouiller avec le Roi. Il prétend que ce dernier ne perd point ce projet de vue, et qu'il continuait de nous rendre les plus mauvais services; qu'il faisait son possible pour y engager insensiblement le roi de Pologne.

Je lui dis que je ne croyais pas qu'il dépendît de ce ministre d'engager le Roi son maître dans des partis d'éclat contre nous.

Ce Prince en convint bien : « C'est pour cela, me dit-il, qu'il a recours à toutes sortes d'expédients pour servir les deux cours auxquelles il est vendu et livré, et ce que je viens de vous confier, c'est bien une preuve. Il me paraît qu'il vous importe fort de savoir que le projet d'attaque de Mastricht que j'ai envoyé au comte de Saxe, est entre les mains de vos ennemis, et qu'on leur en a fourni d'autres pour reprendre Berg-op-Zoom, et à moi, de fournir au Roi votre maître des preuves des intentions où sont non seulement ses ennemis de me brouiller avec lui, mais encore ceux qu'il doit regarder comme ses amis. Je ne m'en prends point à Bülow, encore un coup; je sais qu'il suit avec beaucoup d'adresse les ordres de sa cour. »

En effet, Monseigneur, le même M. de Bülow m'a confié autrefois qu'il avait des ordres les plus précis de vivre dans la plus grande confiance avec les ministres de Pétersbourg et de Vienne.

Je crus devoir confidence au roi de Prusse de la part que j'avais à la demande que M. le maréchal de Saxe avait faite de Walrave, et que M. de Bülow s'était joint à lui pour m'engager à le faire demander me disant que c'était une occasion de lui procurer quelque présent.

Je ne dois pas oublier de vous dire que le roi de Prusse prétend de savoir que l'intention de ce misérable était, après, de passer au service des Autrichiens et pendant son absence de faire filer ses effets. Les Autrichiens lui faisaient un grand parti et comptaient par son moyen avoir une entière connaissance des places du roi de Prusse. Ces trois ministres n'ont pu cacher leur embarras à la nouvelle de l'arrêt dè Walrave. C'est ce qui a donné lieu à beaucoup de gens de rencontrer assez juste. M. de Bernes, aussitôt après, a fait partir son secrétaire de confiance584-2 à Vienne …

Valory.

Nach der Ausfertigung im Archiv des Auswärtigen Ministeriums zu Paris.



582-1 Vergl. S. 47 Anm. 1.

583-1 Vergl. Bd. V, 453.

583-2 Vergl. Bd. V, 553.

583-3 Vergl. S. 10.

583-4 Vergl. S. 35.

584-1 Vergl. S. 44.

584-2 Vergl. S. 66.