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133. DU MÊME.

Berlin, 15 mai 1742.



Sire,

J'ai reçu la dernière lettre de Votre Majesté, qui est écrite d'un style politique qui renferme beaucoup de sens sous peu de paroles. Le portrait du politique y est tracé au vrai. J'en entendis hier un avec autant de soumission et de docilité que V. M entendrait le sieur Épicure, s'il revenait au monde pour y prêcher la volupté. Il prétendait que l'Angleterre faisait à V. M. des propositions très-avantageuses; qu'elles tendaient à affermir la possession de la Silésie; qu'on ne voyait point qu'il fût de l'intérêt de la maison de Prusse que la guerre continuât, puisqu'elle possède actuellement au delà même de ce qu'elle prétendait. Tout mauvais politique que je suis, je jurais qu'il n'y avait pas, dans tout ce discours, de bon sens, et qu'il en était des actions des princes à peu près comme des énigmes, dont le sens paraît contradictoire, tant qu'on en ignore le mot.

On croit assez généralement qu'il y a une suspension d'armes sur le tapis. Pour moi, je n'en sais rien du tout. Ce que je sais bien, c'est que tout le monde loue et admire Charlottenbourg, et qu'on est charmé des réparations faites au parc.

J'ai eu l'honneur d'apprendre à V. M. la mort de l'abbé Du Bos. Une particularité nécessaire à cette nouvelle, c'est qu'on a trouvé vingt-cinq mille jetons de l'Académie dans sa chambre, qu'il a su s'approprier.

En voici une assez divertissante. Le père Patau, abbé de Sainte-Geneviève, reçoit un présent de confitures et de fleurs, accompagné d'une lettre arabe, sans qu'on lui dise de quelle part elle vient. L'abbé Fourmont ambitionne l'honneur d'en être lui seul l'interprète; il y travaille pendant quatre jours, feuillette pour cela dictionnaires arabes, turcs et persans. Il trouve enfin fort heureusement que la lettre est