<117> qui s'appelle perfection. Vous devez donc vous y attendre aussi peu que tout autre mortel. Les malheurs de la vie ont tous des ressources, hors la mort des personnes qui nous sont chères. On vint dire à une femme spartiate que son fils avait été tué à la bataille de Marathon; elle répondit à celui qui lui apportait cette triste nouvelle : « J'ai su, en le mettant au monde, qu'il n'était pas immortel »; et voilà ce que l'on doit penser en pareil cas et dans toutes les pertes que nous faisons : que nos affections s'attachent à des objets mortels, que nos biens ne sont qu'une jouissance précaire et incertaine, en un mot, qu'il n'y a rien de stable ni d'assuré dans cette vie.

Mais, mon cher frère, après avoir fait ces réflexions, il ne faut pas devenir misanthrope; tout homme qui vit en société, doit tâcher de se rendre utile à cette société, principalement un prince, comme vous, doit penser qu'il ne peut renoncer au monde qu'en le quittant tout-à-fait. Tout ce que je puis vous conseiller, c'est de faire tous les efforts sur vous pour vous distraire et détourner vos yeux d'un objet douloureux qui ne fera qu'aigrir vos peines, sans vous soulager. Je sens la force des premières impressions, il n'est point de constance qui n'y succombe; mais, cela fait, il faut pourtant prendre le dessus sur soimême. Vous avez perdu un frère,1 mais il vous reste toute une famille qui vous aime, et vous devez vous conserver pour elle; faites donc, je vous prie, tout ce que vous pourrez imaginer de mieux, non pour vous consoler, mais pour vous étourdir. Je suis véritablement en peine pour vous, et je crains bien que ce chagrin n'altère vos jours et ne ruine entièrement le peu de santé que vous avez.2

Je ne vous écris rien d'affaires, parceque mon grimoire3 en sera d'ailleurs assez rempli. Mandez-moi, je vous prie, ce que vous savez de ma sœur de Baireuth; il y a longtemps que je n'ai pas de ses nouvelles. Je suis avec une parfaite tendresse, mon cher frère, votre fidèle frère et serviteur

Federic.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.


10148. AU PRINCE HENRI DE PRUSSE.

[Opotschno, juillet 1758.]4

Mes dernières nouvelles assurent que les Russes se sont retirés de la Nouvelle - Marche, et on les a chassés de Silésie. Ils ont un gros



1 Vergl. S. 79.

2 Vergl. Bd. XVI, 225. 266.

3 D. h. der chiffrirte Brief. Nr. 10148.

4 Eine Ausfertigung des Schreibens liegt nicht vor. Den hier beantworteten Bericht des Prinzen, d. d. Zschopau 4. Juli, hat der König am 19. Juli (vergl. Nr. 10146) empfangen und zwar, wie es scheint, nach Fertigstellung des ersten, chiffrirten Schreibens vom 19. (Nr. 10146). Am 20. werden die obigen Nachrichten über den Rückzug der Russen widerrufen; der König fügt eigenhändig hinzu: „Vous voyez que mes lettres changent selon les nouvelles qui me viennent“ (vergl. Nr. 10153). Demnach muss das obige Schreiben zwischen die Schreiben vom 19. und 20., vermuthlich auf den Nachmittag des 19. Juli, angesetzt werden.