de cette bonne foi intraitable qui font du talent de M. Menzel quelque chose de si particulier. Que ne peut-on attendre d'une science de dessin aussi profonde, lorsque, dégagée de toute recherche de composition, elle s'attache directement, énergiquement, au rendu de la vie? Ces quatre aquarelles appartiennent à la même époque, à ce moment décisif, vers 1850, où l'artiste affirme, par des coups d'éclat, l'originalité de sa manière réaliste, affranchie peu à peu des souvenirs de jeunesse, des formules apprises. Il venait de terminer les illustrations des Oeuvres de Frédéric le Grand, lorsqu'il peignit à l'aquarelle cet étonnant Portrait du major (1850) un Prussien à l'aspect rude, sévère, boutonné dans son caban de gros drap et ce portrait plus étonnant encore d'un Vieux médecin militaire qui est une merveille de vérité, d'esprit et de finesse. Ceux qui ont vu cette physionomie toute pétillante de vivacité, au regard perçant, au front largement découvert dans l'encadrement de ses mèches blanches, au sourire pétri d'intelligence, de malice et de bonté, ne l'oublieront pas. Il est impossible d'aller plus loin dans la conduite d'un modelé scrupuleux jusqu'en ses plus extrêmes délicatesses. L'oeil surtout est unique; nous en connaissons peu dont l'acuité soit plus pénétrante, l'expression plus suggestive: il y a tout une vie d'honnête homme et d'homme de science dévoué à sa mission dans ce regard limpide et franc qui va droit à l'âme. Il faut remonter aux plus grands peintres de la figure humaine, à un Rembrandt, à un Durer, à un Holbein, à un La Tour, pour trouver l'équivalent de ce regard où M. Menzel, en un jour d'inspiration heureuse, a donné la plus extrême expression de sa force.
Le Liseur n'est pas une oeuvre moins significative, quoique de colorations moins gaies, moins lumineuses. Il y a, dans cette figure absorbée le regard glissant de côté sous les lunettes, dans ce masque de Germain solide à la lèvre forte, sanguine, un peu sensuelle, quelque chose qui appartient bien en propre à M. Menzel. Quant à la grande Etude d'armures (no 264 de l'exposition), il convient de la considérer comme un morceau de facture absolument hors de pair. La vie, l'éclat, le mouvement dont l'artiste a su animer ces carapaces d'acier, tient réellement du prodige. On ne saurait imaginer une exécution plus libre, plus fière, plus maîtresse d'elle-même dans son ardeur contenue. C'est la science intelligente du métier portée à son comble. Il semble que des êtres vivants, agissants, soient