<13>

enfermés dans ces pesantes armures, tout entières modelées par les jeux de la lumière, par la valeur des accents.

D'autres aquarelles sont la réalisation de recherches différentes. Toutes témoignent d'une pensée, d'un effort de volonté, dans la poursuite d'un but nettement entrevu.

Tantôt, il s'éprend du style rococo des églises catholiques avec ses pompes, ses étincellements, ses grâces ronflantes, son opulente richesse; il en exprime comme personne la plénitude abondante et touffue; il le célèbre comme une des formes d'art où le génie allemand s'est le mieux senti à l'aise „il se baigne avec une sorte de volupté dans les mille détails de sculptures, de cadres, d'orgues, de balustrades, de chaires sculptées, sous la lueur amortie, alanguie du jour qui passe par les vitraux blancs ou grisaillés“ .

Tantôt, il nous conduit d'une main sûre dans les intimités du home moderne. L'aquarelle des Projets de voyage est d'une franchise, d'une sûreté de dessin sans pareilles. L'action se passe dans un jardin, l'été; elle est toute simple, même des plus ordinaires: au milieu de la fraîcheur d'une terrasse ombreuse, deux hommes, marquant environ la cinquantaine, deux Berlinois à la silhouette robuste, le cigare aux lèvres, dans la tenue négligée du chez soi, sont accoudés à une table de fer. Sur celle-ci est étalée une carte qu'ils étudient tout en causant de leurs projets; quelques groupes de dames en toilettes claires animent les seconds plans. L'ensemble, des figures au paysage, est plein de concentration et d'unité. Les verts délicats des feuillages, piqués de quelques notes rouges, vibrent dans une atmosphère de pénombre, à travers laquelle filtrent gaîment quelques chauds rayons de soleil; les personnages sont dans tout le naturel de leurs attitudes prises au vol; les vêtements ont le pli des choses longtemps portées, où l'on se sent à l'aise; chaque détail de mouvement, de geste de ces deux hommes, qu'on devine parler haut, dans le laisser-aller de leur bonne humeur expansive, est étudié avec une pénétration merveilleuse. Les figures comme toujours sont des portraits.

D'autres aquarelles, et ce ne sont pas les moins curieuses, nous révèlent un Menzel peintre d'animaux, peignant avec une tranquillité imprévue, une conscience méticuleuse au point d'en devenir timide, toutes ces bêtes charmantes, étranges ou féroces qui font d'habitude l'ornement des jardins