<45>l'année de sa mort, a fourni à Menzel le motif de son illustration. Un laquais du palais a apporté au vieil ami du roi, qui passa ses dernières années dans la maison de campagne avec jardin donnée par Frédéric à Sans-Souci, une de ces invitations à la table royale qui reviennent fréquemment dans cette correspondance. Lord Keith, que son domestique promène en chaise roulante, dans son jardin, lit avec une émotion intime le billet du roi, auquel il est cependant obligé de répondre par les lignes suivantes: „Lord Marischal se met aux pieds de Sa Majesté, le remercie de sa bonté de s'informer de sa santé. Sa vue est affaiblie depuis quelques jours, ses jambes ne valent rien, ni sa tète, ni la mémoire. Sourd pardessus le marché, il est un très mauvais convive à table.“

CLXVIII.

Très caractéristiques sont les lettres de Rousseau adressées au roi. Dans la première, l'auteur du Contrat social, „chassé de France, de Genève, du canton de Berne“ , cherche par l'intermédiaire du gouverneur, lord Marischal, un asile dans les Etats de Frédéric II (dans le canton de Neufchàtel), quoiqu'il ait dit beaucoup de mal de Frédéric et qu'il en doive dire peut-être encore. Dans La deuxième lettre, il remercie le roi de sa protection et du „pain“ qu'il lui a donné; mais il lui demande aussi: „d'ôter de devant ses yeux cette épée qui l'éblouit et le blesse“ . Bref, chaque phrase respire l'humeur atrabilaire de cet „ennemi des rois“ , de ce „philosophe sauvage“ ; et cette humeur est également visible dans le portrait du philosophe de Genève tel que Menzel l'a dessiné, assis dans un jardin, à une table rustique.

CLXIX.

La dernière lettre de cette première partie de la „Correspondance de Frédéric avec Voltaire“ est de Voltaire et porte la date du 1er juin 1740. Jusqu'à cette époque, rien n'a encore troublé les relations du roi avec le grand écrivain, qui s'incline avec respect et tendre reconnaissance devant son royal admirateur et protecteur. Semblable au poète qui, rempli d'un pieux enthousiasme, se prosterne dans la poussière devant le dieu de la lumière se levant à l'Orient, le radieux Phébus Apollon, Voltaire se courbe devant le jeune poète couronné, devant le roi dont la faveur, comme un soleil, l'inonde et l'échauffé de ses rayons.