s'éteignant dans les convulsions d'une lutte suprême, disparaissait de la scène du monde. Une invincible destinée l'entraîna dès l'enfance vers l'art de la peinture; il se sentait appelé à prendre la succession des Rauch, des Schadow, des Chodowiecki, de tous ces apologistes enthousiastes de Frédéric II, dont le règne avait préparé la grandeur future de l'Allemagne.
Le père de M. Menzel dirigeait une pension pour les jeunes filles; il combattit tout d'abord autant qu'il le put la vocation artistique de son fils et ce ne fut que lorsque celui-ci eut atteint l'âge de quinze ans qu'il céda à ses instances et vint se fixer à Berlin, où il fonda un établissement de lithographie.
Ce qu'il y a de plus étonnant dans la carrière de M. Menzel, c'est qu'il n'a jamais eu d'autre maître que lui-même. „Si un artiste s'est fait tout seul, c'est celui-là“ , disait fort justement Duranty. „Il a étudié de lui-même, aux étalages des marchands, en parcourant les rues, les musées, en regardant les gravures.“ Il essaya bien, en 1833, de suivre les cours de la classe de plâtre à l'Académie de Berlin, mais il y renonça bientôt ne pouvant soumettre ses instincts impérieux, sa nature indépendante à un enseignement étroit et dogmatique. Son père venait de mourir, et il se trouva tout à coup à dix sept ans chargé de soutenir une famille. Les difficultés de l'existence ne firent qu'exciter son ardeur au travail. Il fit pour l'institut lithographique de Sachse et Cie ce qu'il faisait pour la maison de son père : des vignettes, des étiquettes, des menus, des programmes de fêtes.
En 1833, il publie chez cet éditeur un album de dessins à la plume lithographies qui représentaient les Epreuves de la vie d'artiste. Ce cahier, inspiré par le petit poème de Goethe, attira l'attention des artistes de Berlin, et Schadow, alors directeur de l'Académie, en parla avec éloges. Puis il commence à s'occuper de suites d'illustrations relatives à des faits historiques. Il illustre d'abord en lithographie (1836) les Faits mémorables de l' histoire de Brandebourg et de Prusse, édités aussi par Sachse. Bien que cette première oeuvre appartienne encore par bien des côtés aux formes académiques alors en honneur, on y sent poindre cependant l'artiste épris de nature, de vie, de mouvement, d'exactitude historique; un abîme la sépare de tout ce que faisaient alors les soi-disants peintres d'histoire.
Il n'aborde la peinture que vers 1835, et tout seul, sans maître, y appliquant comme toujours une volonté énergique, que rien ne rebute.