<147> puissance. Lassé des humiliations que tantôt les Suédois et tantôt les Russes donnèrent à Frédéric Ier, dont ils traversaient impunément les États, il voulut protéger efficacement ses peuples contre l'inquiétude de ses voisins, et se mettre en même temps en état de soutenir ses droits sur la succession de Berg, qui allait être ouverte à la mort de l'Électeur palatin, dernier prince de la maison de Neubourg. Quoique le public soit dans la prévention que le projet d'un gouvernement militaire ne venait pas du Roi même, mais qu'il lui avait été suggéré par le prince d'Anhalt, nous n'avons point adopté cette opinion, à cause qu'elle est erronnée, et qu'un esprit aussi transcendant que l'était celui de Frédéric-Guillaume, pénétrait et saisissait les plus grands objets, et connaissait mieux les intérêts de l'État qu'aucun de ses ministres ni de ses généraux.
Si des hasards peuvent faire naître les plus grandes idées, nous pouvons dire que des officiers anglais donnèrent lieu à Frédéric-Guillaume de former les projets qu'il exécuta dans la suite. Ce prince fit dans sa jeunesse les campagnes de Flandre, et comme il assistait au siége de Tournai, il trouva deux généraux anglais qui disputaient vivement ensemble : l'un soutenait que le roi de Prusse aurait de la peine à payer quinze mille hommes sans subsides, et l'autre soutenait qu'il en pouvait entretenir vingt mille. Le jeune prince, tout en feu, leur dit : « le roi mon père en entretiendra trente mille lorsqu'il le voudra. » Les Anglais prirent cette réponse pour la saillie d'un jeune homme ambitieux, qui relevait avec exagération les avantages de sa patrie; mais Frédéric-Guillaume, parvenu au trône, prouva plus qu'il n'avait avancé, et la bonne administration de ses finances fit que, dès la première année de son règne, il entretint cinquante mille hommes, sans qu'aucune puissance lui payât des subsides.
La paix d'Utrecht, qui avait apaisé en partie les troubles qui agitaient le Sud, n'empêchait pas que la guerre ne continuât dans le Nord, entre Charles XII, qui était encore prisonnier à Adrianople, et