<161> ils renonçaient à la régie des Pays-Bas, dont l'entière possession resta à l'empereur Charles VI.
Les guerres qui se succédaient les unes aux autres, empêchaient l'Europe de jouir des fruits de la paix. Dès l'année 1715, les Turcs étaient entrés dans la Morée, qu'ils avaient enlevée aux Vénitiens. Le Pape, qui craignait pour l'Italie, conjura l'Empereur de prendre la défense de la chrétienté. Charles VI assembla des troupes en Hongrie, afin de favoriser les Vénitiens par la diversion qu'il allait faire contre les Turcs.
Dès l'année 1716, le prince Eugène avait battu le grand vizir auprès de Témeswar.a Cette année, il entreprit le siége de Belgrad, et fortifia son camp d'un bon retranchement. Les Turcs vinrent assiéger l'armée du prince Eugène; et, non contents de la bloquer, ils s'avancèrent à lui par des approches et des tranchées. Eugène, après leur avoir laissé passer un ruisseau qui les séparait de son camp, sortit de ses retranchements le 16 août, les attaqua, les battit, et leur prit canons, bagages, en un mot, tout leur camp; et Belgrad, qui n'avait plus de secours à espérer, se rendit au vainqueur par capitulation. Le maréchal de Starhemberg, ennemi du mérite d'Eugène, déclama contre sa conduite, qu'il taxait d'imprudente, et parla avec tant de force, qu'il s'en fallut peu que l'Empereur ne fît traduire le héros de l'Allemagne devant un conseil de guerre, pour avoir exposé l'armée impériale à périr sans ressource. Cependant la gloire d'Eugène était si brillante, qu'elle fit éclipser l'envie et ses envieux.
L'année suivante, les Turcs firent la paix à Passarowitz, et cédèrent à l'Empereur Belgrad et tout le banat de Témeswar. Les Vénitiens, qui avaient servi de prétexte aux conquêtes de Charles VI, payèrent les acquisitions que l'Empereur fit, par la perte de la Morée, et ils s'aperçurent, mais trop tard, que le secours d'un allié puissant est toujours dangereux.
a Il faut lire : « Auprès de Péterwardein (5 août 1716), et pris Témeswar (13 octobre). »