<165> il allait former une alliance avec le Czar, afin de chasser la maison de Hanovre d'Angleterre, et d'y rétablir le Prétendant. Görtz, qui succéda au comte de Piper dans le ministère de Suède, était dans le Nord ce qu'Alberoni était dans le Sud : ses intrigues agitaient tous les cabinets des princes. Ses desseins ne se bornaient point à l'Europe. Il était né pour devenir le ministre d'Alexandre ou de Charles XII, mais en formant les plus grands desseins, il surchargeait la Suède d'impôts, afin de pouvoir les exécuter. La misère du peuple, et la faveur dont il jouissait, lui attirèrent la haine du public. Dès que la nouvelle de la mort du Roi se répandit, la nation fit le procès à son ministre; l'envie inventa un nouveau crime pour le charger : il fut accusé d'avoir calomnié la nation auprès du Roi, et il eut la tête tranchée. En punissant Görtz, les Suédois flétrissaient indirectement la réputation d'un héros dont ils adorent encore à présent la mémoire; mais le peuple est un monstre composé de contradictions, qui passe impétueusement d'un excès à l'autre, et qui, dans ses caprices, protége ou opprime le vice et la vertu indifféremment. Le trône vacant de Suède fut rempli par Ulrique, sœur de Charles XII et épouse du prince héréditaire de Hesse-Cassel.
Frédéric-Guillaume ne put s'empêcher de répandre quelques larmes, lorsqu'il apprit la mort prématurée de Charles XII. Il estimait les grandes qualités de ce prince, dont il était devenu l'ennemi à regret et par une espèce de violence. L'exemple de Charles XII avait fait tourner la tête à bien des petits princes d'Allemagne trop faibles pour l'imiter. Le duc Charles-Léopold de Mecklenbourg forma le projet ambitieux de lever une armée; et, pour fournir aux frais de son entretien, il foula ses sujets par des vexations énormes. Le poids des impôts s'appesantit à un point, que la noblesse, excédée, en porta ses plaintes à Vienne, où elle fut appuyée par Bernstorff, ministre de Hanovre, mais Mecklenbourgeois de naissance. Il obtint de l'Empereur un décret fulminant contre le duc. Quoique ce prince eût