<221> temps de guerre jusqu'à cent; ce qui rendit l'armée immortelle, en lui fournissant un fonds assuré, par lequel elle s'est sans cesse renouvelée depuis.
La cavalerie, de même que l'infanterie, était composée de très-grands hommes, montés sur des chevaux énormes; c'étaient des colosses sur des éléphants, qui ne savaient ni manœuvrer ni combattre : il ne se faisait aucune revue sans que quelque cavalier tombât par terre par maladresse; ils n'étaient pas maîtres de leurs chevaux, et leurs officiers n'avaient aucune notion du service de la cavalerie, nulle idée de la guerre, aucune connaissance du terrain, ni théorie ni pratique des évolutions qu'il convient à la cavalerie de faire dans un jour de combat. Ces bons officiers étaient des économes qui regardaient leurs compagnies comme des fermes, qu'ils faisaient valoir le plus qu'ils pouvaient.
Outre les choses que nous venons de dire, la longue paix avait abâtardi le service. Au commencement du règne de Frédéric-Guillaume, on avait raffiné sur l'ordre des régiments et sur la discipline; mais comme il n'y avait plus rien à faire de ce côté-là, les spéculations s'étaient tournées sur ces sortes de choses qui ne donnent que dans la vue : le soldat vernissait son fusil et sa fourniture; le cavalier, sa bride, sa selle, et même ses bottes; les crins des chevaux étaient tressés avec des rubans; et, à la fin, la propreté, qui de soi-même est utile, dégénéra en abus ridicule. Si la paix avait duré au delà de l'année 1740, il est à croire que nous en serions à présent au fard et aux mouches; mais ce qui était plus déplorable encore, c'est que les grandes parties de la guerre étaient tout à fait négligées, et que notre génie se rétrécissait de jour en jour davantage par les petits détails.
Malgré tous ces abus, l'infanterie était bonne; il y régnait une discipline sévère et un grand ordre : mais la cavalerie était absolument négligée; le Roi, qui s'était trouvé à la bataille de Malplaquet,