<232> d'aumônes, ou faisant des acquisitions illicites; et quoique ces établissements fussent également contraires aux lois de la société et de la politique, le pape les introduisit dans toute l'Europe, et parvint sans opposition à lever une puissante armée de prêtres aux dépens de tous les princes, et d'entretenir de grosses garnisons dans des pays sur lesquels il n'avait aucune souveraineté : mais, dans ces temps, les peuples étaient abrutis; les princes, faibles; et la religion, triomphante.
Quand une fois le christianisme eut poussé de profondes racines, il produisit des fanatiques de toute espèce : la peste ravagea le Brandebourg en 1351, et c'en fut assez pour faire extravaguer la superstition. Pour apaiser la colère céleste, on baptisa des juifs par force, on en brûla d'autres, on fit des processions, des vœux aux images miraculeuses; et l'imagination, échauffée par tant d'inventions folles ou bizarres, enfanta enfin l'ordre des flagellants.43 C'étaient des chrétiens mélancoliques et atrabilaires, qui se fouettaient avec des verges d'archal dans les processions publiques; cependant le pape eut horreur de ces macérations monstrueuses, et réprouva l'ordre et ses abus.
On tourna la dévotion du public sur des objets plus doux : le pape Jean XXII établit des bureaux d'indulgences dans le Brandebourg; les augustins trafiquaient de ces indulgences, et en envoyaient le produit à Rome. Les miracles devinrent à la fin si fréquents, que les auteurs rapportent qu'il tomba, l'année 1500, une pluie de croix rouges et blanches sur tous les passants; on trouva même de ces croix dans le pain, ce qui fut regardé comme le présage d'un grand malheur.44
Le siècle que Léon X illustra en Italie, y ressuscitant les beaux-arts et les sciences, ensevelies depuis longtemps sous l'ignorance et le mauvais goût, ce siècle, dis-je, n'était point aussi célèbre pour les ultramontains : l'Allemagne était encore plongée dans l'ignorance la plus
43 Cramer, Baronius, Lockelius.
44 Lockelius; Annales de Brandebourg. [L'année 1501.]