<80> publique et les intrigues du prince d'Orange rendaient furieux, accusa le Pensionnaire de tous ses malheurs, et vengea sur les frères de Witt, avec une cruauté inouïe, les maux que la Hollande avait à souffrir. Guillaume d'Orange fut élu stadhouder tumultuairement par le peuple; et ce prince, âgé de dix-neufa ans, devint l'ennemi le plus infatigable que l'ambition de Louis XIV ait eu à combattre.
L'Électeur, parent du nouveau stadhouder, s'empressa de le secourir; à peine eut-il assemblé ses troupes, qu'il s'avança à Halberstadt, où Montécuculi le joignit avec dix mille Impériaux. Il continua incontinent sa marche vers la Westphalie; sur le bruit de son approche, Turenne quitta la Hollande, prit quelques villes dans le pays de Clèves, et vint à sa rencontre à la tête de trente mille Français. La ville de Groningue évacuée par l'évêque de Münster, et le siége de Mastricht levé par les Français, furent les seuls fruits de cette diversion. L'Électeur voulait combattre Turenne, et marcher tout droit au secours des Hollandais : mais Montécuculi, qui avait des ordres secrets de ne point agir offensivement, ne voulut point y consentir; il allégua toute sorte de mauvaises raisons pour en dissuader l'Électeur, qui, n'étant pas assez puissant pour agir avec ses propres forces, fut contraint de se conformer aux intentions de l'Empereur. Il marcha donc du côté de Francfort-sur-le-Main, en donnant avis au prince d'Orange des raisons de sa conduite; cette marche obligea pourtant Turenne de repasser le Rhin à Andernach, et débarrassa les Hollandais de trente mille ennemis.
Turenne aurait été suivi, si la chose n'avait dépendu que de l'Électeur; il avait fait des préparatifs pour passer le Rhin à Nierstein mais Montécuculi s'y opposa hautement, et lui déclara que les Impériaux ne passeraient pas cette rivière. La campagne s'écoula ainsi infructueusement; et l'Électeur prit ses quartiers d'hiver en Westphalie.
a Il était alors âgé de vingt-deux ans.