<203>Un courtisan adroit condamne ses rivaux,
D'une main complaisante il flatte ses défauts;
Il n'est point médisant, il s'en ferait scrupule,
Mais d'un sot plaisamment il rend le ridicule;
Cet esprit pénétrant dont il se fait honneur
Me fait craindre sa langue et soupçonner son cœur.
S'il était bienfaisant, son éloquence vaine
Ne déchirerait pas toute l'espèce humaine;
Sur les défauts d'autrui beaucoup moins rigoureux,
Par charité souvent il fermerait les veux.
Mais de ces scrutateurs la langue trop hardie
Glace chez les mortels l'amitié refroidie;
Plaçant à tout propos des si malins, des mais.
Juges de leurs amis, ils leur font leur procès;
Même à force de goût et de délicatesse,
Ils prennent en horreur notre fragile espèce.
Dans ce siècle de fer, dans ces temps corrompus,
Il n'est plus par malheur d'Achate, de Nisus,
L'homme plein de bonté passe pour imbécile,
Et l'amitié s'exprime en style de Zoïle.
« Licidas mon ami, dit l'un, me fait bâiller,
Perse serait charmant, s'il n'aimait à railler,
Chrvsippe est ennuyeux, il est toujours sublime,
Et l'emporté Damon à tout propos s'anime;
Ménélas est trop fier, Sulpicius trop bon,
L'économe Lycas est pis qu'un Harpagon,
Héraclite, hypocondre, en lui-même se mine,
Et Narcisse en vrai fat chérit sa bonne mine. »
Par de pareils propos pleins de malignité
On renverse l'esprit de la société.
Ah! si l'homme du moins dans sa folie extrême