<229>Un père dont le cœur est tendre à ses enfants
Serait-il parmi nous assez dur et bizarre
Pour accabler son fils d'un châtiment barbare,
Si ce malheureux fruit de sa fécondité
Le choquait, en naissant, par sa difformité?
Un fils dénaturé peut irriter son père
Et se voir écrasé du poids de sa colère;
Mais nous, contre les dieux que peut notre fureur?
Rien ne peut altérer leur éternel bonheur.
Écarts audacieux de notre extravagance,
Pourriez-vous offenser l'auguste Providence?
Signalez, fiers géants, votre rébellion,
Entassez, s'il se peut, Ossa sur Pélion,
Armez contre le ciel votre bras redoutable :
Vous ne sauriez heurter ce trône inébranlable.
Dieu voudrait-il punir qui ne peut l'offenser?
Un dieu sans passions peut-il se courroucer?
Je connais ses bienfaits, sa bonté, sa clémence;
Qui le dépeint barbare est le seul qui l'offense.
Ah! cette âme, cher Keith, qu'on ne peut définir,
Et qu'après notre mort un tyran doit punir,
Ce nous qui n'est pas nous, cet être chimérique
Disparaît aux flambeaux que porte la physique.
Que le peuple hébété respecte ce roman;
Regardons d'un œil ferme et l'être et le néant.
J'implore ton secours, ô divine Uranie!
Accorde à ma raison les ailes du génie,
Montre-moi la nature au feu de tes clartés :
Heureux qui peut connaître et voir tes vérités!
Déjà l'expérience entr'ouvre la barrière,