<309>L'impétueux Condé, le sublime Turenne,
Gustave, Luxembourg, Villars, Maurice, Eugène.
O vous, jeunes guerriers, touchés de leurs hauts faits,
Craignez de votre ardeur les transports indiscrets :
Dans le nombre d'amants qui courtisent la gloire,
Très-peu sont couronnés des mains de la victoire;
Tel à ses grands exploits enjoignit de nouveaux,
Qui perdit en un jour le fruit de ses travaux.
Tel parut le vengeur de la funeste Troie :
Contre cent rois ligués sa valeur se déploie,
Diomède est vaincu, les Grecs sont accablés,
Ajax fuit en courroux, ses vaisseaux sont brûlés;
Patrocle excite en vain son courage inutile,
Hector à ce héros prend les armes d'Achille;
Mais le Troyen succombe après tant de bonheur,
Dans le fils de Pelée il trouve son vainqueur.a
Du fier rival du Czar voyez la destinée,
Favorable neuf ans, neuf ans infortunée.
Si d'aussi grands héros, dans les combats experts,
Ont terni leurs exploits par de honteux revers,
S'ils sont enfin tombés au fond des précipices,
Qu'osez-vous espérer, dans l'art de Mars novices,
Dans nos camps par Bellone à peine encor sevrés,
Sur les devoirs d'un chef faiblement éclairés?
Mais, malgré mes conseils, dans votre ardeur première,
Comme un coursier fougueux lâché dans la carrière,
Vous brûlez de courir et de vous signaler.
a Au lieu des quatre derniers vers, on lit dans l'édition in-4 de 1760, p. 429 :
Hector combat Patrocle, il lui prend cette lance
Qui du fils de Pelée exerçait la vengeance;
Mais le sort l'abandonne après tant de bonheur,
Le Troyen dans Achille a trouvé son vainqueur.