<311>Soyez lent au conseil, c'est là qu'on délibère;
Mais lorsqu'il faut agir, paraissez téméraire,
Et n'engagez jamais sans de fortes raisons
Ces combats où la mort fait d'affreuses moissons.
Les forces de l'État sont dans votre puissance,a
Des soldats généreux vous guidez la vaillance;
Prompts pour exécuter l'ordre du général,
Ils volent aux dangers dès le premier signal;
Dès que vous commandez, leur cohorte aguerrie
Fond sur vos ennemis, comme un tigre en furie
Tombe sur un lion, lui déchire le flanc,
Le terrasse, l'abat, s'abreuve de son sang.
Le lendemain, grand Dieu! sur ces champs de batailles
Regardez ces mourants, ces tristes funérailles,
Et parmi ces ruisseaux du sang des ennemis,
Voyez couler le sang de vos meilleurs amis;
Voyez dans le tombeau ces guerriers magnanimes,
De votre ambition malheureuses victimes,
Leurs parents éplorés, leurs épouses en deuil,
Qui dans votre triomphe abhorrent votre orgueil.
Ah! plutôt que souiller vos mains de tant de crimes,
Plutôt que vous parer d'honneurs illégitimes,
Périssent à jamais les cruels monuments
Moins dus à vos exploits qu'à vos égarements!
Qui voudrait à ce prix gagner la renommée?
En père bienfaisant conduisez votre armée,
Dans vos moindres soldats croyez voir vos enfants,
Ils aiment leurs pasteurs, et non pas leurs tyrans;
Leurs jours sont à l'État, leur bonheur est le nôtre,
Avare de leur sang, sacrifiez le vôtre,
a En votre puissance. (Variante de l'édition in-4 de 1760, p. 432.)