<75>Je méprise un faquin de titres revêtu,
Mon encens n'est offert qu'à la seule vertu,
Au jeune Algarotti, qui d'une ardeur active
Défriche son esprit, l'embellit, le cultive,
Au sceptique d'Argens, au sage Maupertuis,
A l'Homère français, des arts le digne appui.
Voulez-vous être aimé? voulez-vous être utile?
Soyez sage en vos mœurs et dans les arts habile.
On rit d'un ignorant, on fuit un débauché;
Le mérite à la longue est toujours recherché,
Le besoin le connaît, il l'implore, il l'admire.
Le premier des plaisirs est celui de s'instruire :
C'est peut-être le seul qui souffre des excès,
Et que les noirs remords n'accompagnent jamais.
Mais vos plaisirs pervers, qu'avec raison je blâme,
Laissent en nous quittant un vide affreux dans l'âme,
Et le pesant ennui, blasé sur tous les goûts,
L'air sombre, l'œil éteint, vient s'endormir chez nous.
Si l'appât de la gloire en secret vous attire,
Sachez que les talents ont le droit d'y conduire,
Et que la renommée eut les mêmes égards
Pour les fils d'Apollon que pour les fils de Mars.
On a vu des héros qui rendirent hommage
Au mérite, à l'esprit, à la vertu du sage.
Le vainqueur de l'Asie, en subjuguant cent rois
Dans le rapide cours de ses brillants exploits,
Estimait Aristote et méditait son livre;
Heureux, si son humeur plus docile à le suivre,
Réprimant un courroux trop fatal à Clitus,
N'eût par ce meurtre affreux obscurci ses vertus!