APPENDICE.[Titelblatt]
<320><321>I. ODE VII (VIII). AUX PRUSSIENS. AVEC LES REMARQUES DE VOLTAIRE.[Titelblatt]
<322>LÉGÈRES REMARQUES.322-+
<323>ODE VII (VIII). AUX PRUSSIENS.322-+
322-aPrussiens, que la valeur conduisit à la gloire,
Héros ceints des lauriers que donne la victoire,
Enfants chéris de Mars, comblés de ses faveurs,
Craignez que la paresse,
L'orgueil et la mollesse
Ne corrompent vos mœurs.
Par l'instinct passager d'une vertu commune,
Un peuple sous ses lois asservit la fortune,
Il brave ses voisins, il brave le trépas;
Mais sa vertu s'efface,
Et son empire passe,
S'il ne le soutient pas.
Peuples que la valeur conduisit à la gloire.
Héros ceints des lauriers que donne la victoire.
Enfants chéris de Mars, comblés de ses faveurs,
Craignez que la paresse,
L'orgueil et la mollesse
Ne corrompent vos mœurs.
Par l'instinct passager d'une vertu commune.
Un État sous ses lois asservit la fortune,
Il brave ses voisins, il brave le trépas :
Mais sa vertu s'efface,
Et son empire passe,
S'il ne le soutient pas.
Ennemis des Romains, rivaux de leur génie,
Vous vîtes dans vos fers expirer ses guerriers;
Mais Carthage l'avoue,
Le séjour de Capoue
Flétrit tous vos lauriers.
Jadis tout l'Orient tremblait devant l'Attique,
Ses valeureux guerriers, sa sage politique,
De ses puissants voisins arrêtaient les progrès,
Quand la Grèce opprimée
Défit l'immense armée
De l'orgueilleux Xerxès.
A l'ombre des grandeurs elle enfanta les vices,
L'intérêt y trama ses noires injustices,
La lâcheté parut où régnait la valeur,
Tels furent les vainqueurs de la fière Ausonie.
Ennemis des Romains, rivaux de leur génie.
Ils imposaient leur joug à ces peuples guerriers :
Mais Carthage l'avoue,
Le séjour de Capoue
Flétrit tous ses lauriers.
Jadis tout l'Orient tremblait devant l'Attique.
Ses valeureux guerriers, sa sage politique,
De ses puissants voisins arrêtaient les progrès.
Quand la Grèce opprimée
Défit l'immense armée
De l'orgueilleux Xerxès.
A l'ombre des grandeurs elle enfanta les vices.
L'intérêt y trama ses noires injustices,
La lâcheté parut où régnait la valeur,
La rendit la risée
De son nouveau vainqueur.
Ainsi, lorsque la nuit répand ses voiles sombres,
L'éclair brille un moment au milieu de ses ombres,
Dans son rapide cours son éclat éblouit;
Mais dès qu'on l'a vu naître,
Trop prompt à disparaître,
Son feu s'anéantit.
326-cLe soleil plus puissant du haut de sa carrière
Dispense constamment sa bénigne lumière,
Il dissout les glaçons des rigoureux hivers;
Son influence pure
Ranime la nature
Et maintient l'univers.
Et sa force épuisée
La rendit la risée
De son nouveau vainqueur.
Ainsi, lorsque la nuit répand ses voiles sombres,
L'éclair brille un moment au milieu de ces ombres.
Dans son rapide cours un éclat éblouit;
Mais dès qu'on l'a vu naître.
Trop prompt à disparaître.
Son feu s'anéantit.
Le soleil plus puissant du haut de sa carrière
Dans son cours éternel dispense sa lumière.
Il dissout les glaçons des rigoureux hivers :
Son influence pure
Ranime la nature
Et maintient l'univers.
Il en est le principe, il en est la ressource;
Quand la vermeille aurore éclaire l'orient,
Les astres qui pâlissent
Bientôt s'ensevelissent
Au sein du firmament.
Tel est, ô Prussiens, votre auguste modèle;
Soutenez comme lui votre gloire nouvelle,
Et sans vous arrêter à vos premiers travaux,
Sachez prouver au monde
Qu'une vertu féconde
En produit de nouveaux.
Des empires fameux l'écroulement funeste
N'est point l'effet frappant de la haine céleste,
Rien n'était arrêté par l'ordre des destins;
Ce feu si lumineux dans son sein prend sa source,
Il en est le principe, il en est la ressource :
Quand la vermeille aurore éclaire l'orient.
Les astres qui pâlissent
Bientôt s'ensevelissent
Au sein du firmament.
Tel est, ô Prussiens, votre auguste modèle :
Soutenez comme lui votre gloire nouvelle.
Et sans vous arrêter à vos premiers travaux.
Sachez, prouver au monde
Qu'une vertu féconde
En produit de nouveaux.
Des empires fameux l'écroulement funeste
N'est point l'effet frappant de la haine céleste.
Rien n'était arrêté par l'ordre des destins;
L'imprudent fait naufrage;
Le sort est en nos mains.
Héros, vos grands exploits élèvent cet empire,
Soutenez votre ouvrage, ou votre gloire expire; 330-d
Au comble parvenus il faut vous élever :
A ce superbe faîte
Tout mortel qui s'arrête
Est prêt à reculer.
Dans le cours triomphant de vos succès prospères,
Soyez humains et doux, généreux, débonnaires,
Et que tant d'ennemis sous vos coups abattus
Rendent un moindre hommage
A votre ardent courage
Qu'à vos rares vertus.
Où prospère le sage,
L'imprudent fait naufrage;
Le sort est en nos mains.
Héros, vos grands exploits élèvent cet empire,
Soutenez votre ouvrage, ou votre gloire expire;
D'un vol toujours rapide il faut vous élever,
Et monté près du faîte,
Tout mortel qui s'arrête
Est prêt à reculer.
Dans le cours triomphant de vos succès prospères,
Soyez humains et doux, généreux, débonnaires,
Et que tant d'ennemis sous vos coups abattus
Rendent un moindre hommage
A votre ardent courage
Qu'à vos rares vertus.
II. L'ART DE LA GUERRE. FRAGMENT DU CHANT Ier, AVEC LES REMARQUES DE VOLTAIRE.[Titelblatt]
<334><335>L'ART DE LA GUERRE.334-+ CHANT Ier.
Vous qui tiendrez un jour, par le droit de naissance,
Le sceptre de nos rois, leur glaive et leur balance.
Pour défendre et juger 334-a ce florissant État,
Recevez les leçons d'un généreux334-b soldat
Qui, nourri dans les camps par le dieu de la guerre,334-c
Va vous enseigner l'art de lancer son tonnerre.334-c
Ces armes, ces chevaux, ces soldats, ces canons
Ne soutiennent pas seuls l'honneur des nations;
Apprenez leur usage, et par quelles maximes
Un guerrier peut atteindre à des exploits sublimes.
Que ma muse en ces vers vous trace les tableaux
Vous qui tiendrez un jour, par le droit de naissance,
Le sceptre de nos rois, leur glaive et leur balance,
Vous, le sang des héros, vous, l'espoir de l'État,
Jeune prince, écoutez les leçons d'un soldat
Qui, formé dans les camps, nourri dans les alarmes,
Vous appelle à la gloire et vous instruit aux armes.
Ces armes, ces chevaux, ces soldats, ces canons
Ne soutiennent pas seuls l'honneur des nations;
Apprenez leur usage, et par quelles maximes
Un guerrier peut atteindre à des exploits sublimes.
Que ma muse en ces vers vous trace les tableaux
De leur valeur égale336-a et de leur vigilance,
De leurs talents acquis et de leur prévoyance,
Et de ces nobles traits d'un guerrier affermi,336-b
Qui par des coups336-c d'éclat surprend son ennemi.
Mais ne présumez point que, dangereux poëte,
Entonnant des combats la funeste trompette,
Aveuglé par la gloire, ivre de son erreur,
Je séduise vos sens par un faux point d'honneur :336-d
Ah! plutôt qu'Attila336-e vous servît de modèle,
J'éteindrais le flambeau de la guerre cruelle.336-f
O bienfaisante paix! et toi, génie heureux,
Qui sur notre salut336-g veillez du haut des cieux,
Détournez de nos champs, des cités, des frontières,
Ces spectacles336-h affreux, ces fureurs meurtrières,
Où le sanglant trépas engloutit336-h les humains.
De toutes les vertus qui forment les héros,
De leurs talents acquis et de leur vigilance,
De leur valeur active et de leur prévoyance,
Et par quel art encore un guerrier éclairé
De l'art même franchit le ternie resserré.
Mais ne présumez, pas que, dangereux poëte,
Entonnant des combats la funeste trompette,
Ébloui par la gloire, ivre de son erreur,
J'inspire à votre audace une aveugle fureur.
Je ne vous offre point Attila pour modèle,
Je veux un héros juste, un Tite, un Marc-Aurèle,
Un Trajan, des humains et l'exemple et l'honneur,
Que la vertu couronne, ainsi que la valeur.
Tombent tous les lauriers du front de la victoire,
Plutôt que l'injustice en ternisse la gloire!
O bienfaisante paix! et vous, génie heureux
Qui sur les Prussiens veillez du haut des cieux.
Détournez de nos champs, des cités, des frontières,
Ces ravages sanglants, ces fureurs meurtrières,
Ces illustres fléaux des malheureux humains.
339-+Consentez qu'à jamais ce florissant empire
Trouve sous votre abri le repos qu'il désire;
Qu'à l'ombre de la paix, les laboureurs contents
Recueillent pour eux seuls les moissons de leurs champs,
Que sur son tribunal Thémis en assurance
Prononce ses arrêts et venge l'innocence;
Que nos vaisseaux légers, fendant le sein des eaux,
Ne craignent d'ennemis que les vents et les flots,
Et surtout que Minerve, assise auprès du trône,
En veillant338-a sur nos rois, protége leur couronne.
C'est à toi,338-b dieu terrible, à toi, dieu des combats,
A m'ouvrir la barrière, à conduire mes pas;
Et vous, charmantes Sœurs, déesses du Permesse,
Si mes vœux sont reçus au temple des destins,
Consentez qu'à jamais ce florissant empire
Goûte sous votre abri le repos qu'il désire,
Que sous leurs toits heureux les laboureurs contents
Recueillent pour eux seuls les moissons de leurs champs,
Que sur son tribunal Thémis en assurance
Réprime l'injustice et venge l'innocence,
Que nos vaisseaux légers, fendant le sein des eaux,
Ne craignent d'ennemis que les vents et les flots,
Que, tenant dans ses mains l'olivier et l'égide,
Minerve sur le trône à nos conseils préside.
Mais si d'un ennemi l'orgueil ambitieux
De cette heureuse paix rompt les augustes nœuds,
Rois, peuples, armez-vous, et que le ciel propice
Soutienne votre cause et venge la justice.
C'est à toi, dieu terrible, à toi, dieu des combats,
A m'ouvrir la barrière, à conduire mes pas :
Et vous, charmantes Sœurs, déesses du Permesse,
Aux sons341-star2 que vous tirez du luth harmonieux,
Venez pour m'inspirer des chants mélodieux.
Je veux représenter, plein de ma frénésie,340-a
Des objets inconnus à notre poésie;
Je veux armer vos fronts de panaches flottants;341-star3
Ma main ne peindra point les transports des amants,
Les soupirs340-b des Amours, leurs larcins, leurs caresses,
Ni des cœurs des héros les indignes faiblesses.
Que le chantre du Pont, inspiré par Vénus,
Dessine340-c les Amours, qui, folâtrant tout nus,
Rendent à leurs désirs les trois Grâces sensibles :
Je ne vous offrirai que des objets terribles,340-d
Vulcain, qui, sous l'Etna, par ses brûlants travaux,
Gouvernez de ma voix la sauvage rudesse,
Rendez d'un vieux soldat les chants mélodieux,
Accordez ma trompette au luth harmonieux.
J'entreprends de placer, par une heureuse audace,
Le dieu de la victoire au sommet du Parnasse,
Je veux armer vos fronts de casques menaçants;
Ma main ne peindra point les transports des amants,
Leurs peines, leurs plaisirs, leurs larcins, leurs caresses,
Ni des cœurs des héros les indignes faiblesses.
Que le chantre du Pont, dans ses douces erreurs.
Vante le dieu charmant qui causa ses malheurs,
Qu'à ses flatteurs accents les Grâces soient sensibles :
Je ne vous offrirai que des objets terribles,
Vulcain, qui, sous l'Etna, par ses brûlants travaux.
Ces foudres redoutés cuire des mains habiles,
Qui renversent les murs, qui détruisent les villes;
Qui, décidant du sort dans l'horreur des combats
En tombant342-b sur le trône, écrasent les États.
Avant que de traiter ces matières sublimes,
Il faut vous arrêter aux premières maximes.
Ainsi, quand l'aigle enseigne à ses jeunes aiglons
L'art de fendre les airs malgré les aquilons,342-c
Avant d'avoir acquis342-d les forces paternelles,
La mère, en s'élevant, les porte sur ses ailes.
O vous,342-e jeunes guerriers qui, brûlant de valeur,
Voulez vous342-e signaler dans les champs de l'honneur,
Baignés des tendres pleurs que versa votre mère,342-e
Forge à coups redoublés les foudre des héros,
Ces foudres redoutés entre des mains habiles.
Qui tantôt font tomber les fiers remparts des villes.
Tantôt percent les rangs dans l'horreur des combats.
Et font dans tous les temps le destin des États.
Je peindrai les effets de cette arme cruelle
Qu'inventa dans Bayonne une fureur nouvelle,
Qui, du fer et du feu réunissant l'effort,
Aux yeux épouvantés offre une double mort.
Au sein de la mêlée, au milieu du carnage.
On verra des héros le tranquille courage
Réparer le désordre, et. prompt dans ses desseins.
Disposer, ordonner, enchaîner les destins.
Avant que de traiter ces matières sublimes.
Il faut vous arrêter aux premières maximes.
Ainsi, quand l'aigle enseigne à ses jeunes aiglons
A diriger leur vol au champ des aquilon,
Couverts à peine encor d'une plume nouvelle,
La mère, en s'élevant, les porte sur son aile.
O vous, jeunes guerriers qui, brûlant de valeur,
Prêts à vous signaler dans les champs de l'honneur.
Vous arrachez aux bras d'une plaintive mère.
Que vous débuterez par d'immortels exploits.
Passez, sans en rougir, par les derniers emplois :
Sous les drapeaux de Mars344-a Bellone vous enrôle,
Il faut que le fusil344-b pose sur votre épaule,
Que votre corps dispos fasse les mouvements344-c
Que l'exercice enseigne aux soldats commençants;344-d
Observez le silence, et, plein de retenue,
Paraissez dans vos rangs ainsi qu'une statue,344-e
Attentifs à la voix, l'instant même agissez,
Quand l'officier commande, aussitôt exercez;
Apprenez à charger votre tube homicide,
Avancez à grands pas et d'un air intrépide,
Sans flotter, sans ouvrir et sans rompre vos rangs,
Tirez par pelotons, en observant vos temps;
Soyez sobre et frugal,344-f et plein de vigilance
Au poste dont sur vous doit rouler la défense,
N'allez point vous flatter, novices à la guerre,
Que vous débuterez par d'immortels exploits.
Passez, sans en rougir, par les derniers emplois :
Durement exercés dans un travail pénible,
Du fusil menaçant portez le poids terrible;
Rendez votre corps souple à tous les mouvements
Que le dieu des guerriers enseigne à ses enfants :
Tous fermes dans vos rangs, en silence, immobiles,
L'œil fixé sur le chef, à ses ordres dociles,
Attentifs à sa voix, s'il commande, agissez,
En mouvements égaux à l'instant exercez,
Apprenez à charger vos tubes homicides,
Avancez fièrement, à grands pas intrépides,
Sans flotter, sans ouvrir et sans rompre vos rangs,
Tirez par pelotons, en observant vos temps;
Prompts sans inquiétude, et pleins de vigilance
Aux postes dont sur vous doit rouler la défense,
Qui ne sait obéir ne saura commander.
Tel est en peu de mots le dur apprentissage
De ces jeunes guerriers dont Mars reçoit l'hommage.346-a
Des troupes qu'on rassemble en formidable corps
Les derniers des soldats en forment les ressorts;
Il faut qu'à manœuvrer leur bande soit formée,
Ils font les bataillons, leur nombre fait l'armée.346-b
C'est ainsi, pour fournir aux superbes jets d'eaux
Que Versailles renferme en ses vastes enclos,
Qu'à Marli s'éleva cette immense machine
Où sont tant de ressorts que l'ouvrage combine;346-c
Les uns, qui foulent346-d l'eau, les autres, l'aspirant,346-d
Avec précision vont tous au même instant,
Jusqu'à la moindre roue a sa tâche marquée;
Qu'une soupape tarde, ou se soit détraquée,
La machine s'arrête, et tout l'ordre est détruit.
Attendez le signal, et marchez sans tarder :
Qui ne sait obéir ne saura commander.
Tel, sous Louis de Bade exerçant son courage,
Finck de l'art des héros a fait l'apprentissage.
Des troupes qu'on rassemble en formidables corps
Les derniers des soldats composent les ressorts;
Ces ressorts agissants, ces membres de l'armée
D'un mouvement commun la rendent animée.
C'est ainsi, pour fournir aux superbes jets d'eaux
Que Versailles renferme en ses vastes enclos,
Qu'à Marli s'éleva cette immense machine
Qui rend la Seine esclave, et sur les airs domine :
Cent pompes, cent ressorts à la fois agissants
Pressent dans des canaux les flots obéissants,
Jusqu'à la moindre roue a sa tâche marquée;
Qu'une soupape cède, ou faible ou détraquée,
La machine s'arrête, et tout l'ordre est détruit.
Bien loin qu'un soldat suive un aveugle courage,
Il faut qu'il soit dressé pour remplir son ouvrage;348-a
Par ses faux mouvements, tardifs, prompts, inégaux,
On vit souvent manquer les projets des héros.
348-bAimez donc ces détails qu'on apprend dans nos bandes,
Ces petites leçons vous mèneront aux grandes,
Dans ces grades obscurs vous ne vieillirez pas,
Et dans peu, commandant d'un nombre de soldats,
Vous serez installé chef d'une compagnie;348-b
Après, d'un bataillon la troupe réunie,
Qui porte en main la foudre et lance le trépas,348-c
Soumise à votre loi, marchera sur vos pas;
Pour savoir les devoirs348-d qu'exige cette charge,
Apprenez dans quel ordre un corps avance et charge.348-d
Ainsi, dans ces grands corps que la gloire conduit.
Que tout soit animé d'un courage docile;
La valeur qui s'égare est souvent inutile,
Des mouvements trop prompts, trop lents, trop incertains,
Font tomber les lauriers qu'avaient cueillis vos mains.
Aimez donc ces détails, ils ne sont pas sans gloire,
C'est là le premier pas qui mène à la victoire;
Dans des honneurs obscurs vous ne vieillirez pas,
Soldat, vous apprendrez à régir des soldats :
Bientôt, chef éclairé d'une troupe intrépide,
Marchant de grade en grade où le devoir vous guide,
Vous verrez sous vos lois un bataillon nombreux;
Présidez à sa marche et gouvernez ses feux,
Montrez-lui dans quel ordre un bataillon s'avance,
Charge, tire, recharge, et s'arrête ou s'élance.
322-a Le héros fait ici ses Prussiens de deux syllabes, et ensuite, dans une autre strophe, il leur accorde trois syllabes. Un roi est le maître de ses faveurs. Cependant il faut un peu d'uniformité, et les iens font d'ordinaire deux syllabes, comme liens, Silésiens, Autrichiens, excepté les monosyllabes rien, bien, tien, mien, chien, et leurs composés vaurien, chrétien, etc. Pourquoi ne pas commencer par peuples? ce mot peuple étant répété à la seconde strophe, on pourrait y substituer État.
322-+ Dans le manuscrit original, les Légères remarques et les lettrines qui y correspondent sont de la main de Voltaire; elles datent de l'année 1750, ainsi que le texte de l'Ode, qui a été écrit par un secrétaire. Quant au second texte, que nous imprimons au-dessous de l'autre, il est tiré de l'édition de 1752. C'est la rédaction que nous avons donnée ci-dessus, p. 39-42.
324-b Aimez-vous deux apostrophes de suite à deux nations différentes? On pourrait aisément mettre la chose à la troisième personne :
Les Africains, vainqueurs de la fière Ausonie, etc,
326-c Tout cela est très-beau, et la comparaison est admirable par sa grandeur et par sa justesse. Le mot de bénigne est un peu dévot, et n'est pas admis dans la poésie noble; deux bonnes raisons pour l'effacer de vos écrits. Cela est très-aisé à corriger. Durable serait peut-être mieux, ou bien point d'épithète :
Dans son cours éternel dispense la lumière,
ou bien, une égale lumière.
330-d Quand on est au comble, il n'y a plus à s'élever, ou la figure n'est pas juste. Quand Boileau a dit : 330-+
Au comble parvenus il veut que nous croissions,
il l'a dit exprès pour marquer une impossibilité, et il dit ensuite :
Il veut en vieillissant que nous rajeunissions.
On ne s'arrête guère au faîte, c'est-à-dire que cette expression est équivoque, car elle peut signifier qu'on s'arrête sur le faîte, et alors on ne peut plus avancer. On pourrait dire à peu près :
D'un vol toujours {égal / rapide} il faut vous élever,
Et monté près du faîte,
Tout mortel qui s'arrête, etc.
Ce serait grand dommage si vous renonciez à la poésie dans la force de votre génie et de votre âge, et après les progrès étonnants que vous avez faits. J'espère que V. M. occupera encore quelquefois son loisir de ces nobles amusements.
334-a Juger paraît de trop : les leçons d'un soldat, l'art de lancer le tonnerre n'apprennent pas à juger.
334-b Généreux soldat. Toute épithète est ici superflue, et celle de généreux, si convenable à qui parlerait de V. M., ne semble pas permise quand vous parlez de vous-même.
334-c Le dieu de la guerre et lancer le tonnerre semblent trop vagues, trop communs; il n'y a point d'ailleurs d'art de lancer le tonnerre, et le tonnerre ne se lie pas bien avec les armes, les chevaux et les canons.
On pourrait changer aisément cette exposition, qui doit être très-correcte et garder dans sa correction exacte une simplicité majestueuse. Peut-être on pourrait dire à peu près :
Vous, le sang des héros, vous, l'espoir de l'État,
Jeune prince, écoutez les leçons d'un soldat
Qui, formé dans les camps, nourri dans les alarmes,
Vous appelle à la gloire et vous instruit aux armes;
Vous ouvre la carrière et vous appelle aux armes.
Apprenez dès l'enfance à défendre l'État,
Et, noblement docile à la voix d'un soldat,
Marchez avec moi, prenez les armes, etc.
334-+ Le texte au haut de la page à droite est. dans le manuscrit, de la main d'un secrétaire du Roi : les remarques en regard sont de la main de Voltaire. Les notes indiquées dans notre édition par des astérisques ont été mises par celui-ci, ou à la marge, ou entre les lignes du texte de 1750. Pour faire voir au lecteur le parti que le Roi a tiré de cette critique, nous avons placé sa nouvelle rédaction sous l'ancien texte. Voyez l'Avertissement de l'Éditeur en tête de ce volume; voyez également ci-dessus, p. 261-265.
336-a Égale. Ce mot semble dire qu'ils sont égaux en valeur. Pour ôter cette équivoque, on peut mettre : de leur valeur active, d'autant plus qu'active fait un heureux contraste avec prévoyance.
336-b Affermi. On ne peut dire affermi, sans dire en quoi, affermi dans son art, affermi sur son trône, dans ses idées, dans sa haine, etc., jamais affermi tout court.
336-c Coups, etc. Surprendre son ennemi par des coups d'éclat semble un peu vague; le mot de surprise semble annoncer des ruses de guerre. Les nobles traits d'un héros ne peut se dire que de son visage. Ne pourrait-on pas finir cette période en disant : Et par quel art encore le génie d'un héros s'élève quelquefois au-dessus de l'art même?
336-d Point d'honneur. Peut-être que le point d'honneur est non seulement un peu prosaïque, mais ne se dit guère que des duels; il semble qu'il serait plus à sa place de dire qu'on ne veut point inspirer une aveugle fureur,
336-e Attila, et cela d'autant plus qu'Attila ne fit point la guerre par un faux point d'honneur.
De plus, Attila tout seul, sans lui opposer quelque héros, rend l'idée imparfaite; le fond naturel de cette idée, c'est :
Tombent tous les lauriers du front de la victoire,
Plutôt que l'injustice en ternisse la gloire.
336-f J'éteindrais, etc.; cary éteindrais plutôt le flambeau de la guerre cruelle insinue que vous aimez la guerre cruelle, et votre idée est : Je renoncerais à la gloire plutôt que d'en acquérir une injuste.
336-g Salut. Je doute que ce terme consacré à la religion, notre salut, convienne, et je doute qu'on veille sur notre salut; on veille pour notre salut; mais cela est faible, il faut veiller sur les peuples, sur les empires, etc.
336-h Spectacles - engloutit. Le sanglant trépas n'engloutit ni dans des fureurs ni dans des spectacles.
Je continuerais la figure :
Ces spectacles sanglants, ces fureurs meurtrières,
Ces illustres fléaux des malheureux humains,
338-a Ce vers paraît un peu faible et vague; veiller a déjà été employé dans cette tirade.
338-b Voici qui est important. Il manque ici une transition. Je vous enseigne l'art de la guerre, mais, ô bienfaisante paix, régnez sur nous. C'est à toi, dieu des combats, à me conduire. L'ordre et vos propres idées semblent exiger absolument que vous disiez, après avoir montré les avantages de la paix, et que surtout Minerve, auprès du trône assise, y préside par sa sagesse : Mais si un injuste ennemi s'élève, si la guerre est nécessaire, alors sonnons le boute-selle et dégainons. Pardon de ces expressions familières, mais il faut absolument là un passage de la paix à la guerre.
339-+ A la marge des huit vers commençant à « Consentez, » Voltaire a écrit : « Voilà de bien beaux vers. »
340-a Le mot de frénésie convient à peine à une ode, et point du tout à un poëme didactique. Ne pourriez-vous pas dire :
Mars ........ sur le Parnasse,
ou bien saisie
poésie.
340-b Les soupirs. Une main ne peint point des soupirs; cela est très-aisé à corriger. De plus, ce ne sont pas les Amours qui soupirent.
340-c Comme Ovide n'a jamais dit, ni lui ni personne, que les Amours aient couché avec les Grâces, je ne crois pas qu'on lui doive imputer ce maquerellage, tout joli qu'il est. De plus, tout nus ne paraît pas assez noble ici, et semble être du style de La Fontaine :
Que le chantre du Pont, dans ses douces erreurs,
Peigne le dieu charmant qui causa ses malheurs,
Qu'à ses flatteurs accents les Grâces soient sensibles.
340-d Des objets terribles annonce une énumération d'objets, et vous ne parlez que de Vulcain qui forge des foudres.
341-+ Au-dessus du mot « Accordez, » Voltaire a écrit : « J'aimerais mieux gouvernes : » au-dessus des mots « l'indocile rudesse, » il a mis : « la sauvage : » et à la marge : « Si elle était indocile, elle ne s'accorderait pas. »
341-++ Au-dessus et au-dessous du vers « Aux sons, » etc., Voltaire a écrit : « J'aimerais mieux : accordez les sons de ma trompette à vos lyres, etc., à vos luths. »
341-+++ Au-dessus de la fin du vers : « Je veux armer, etc., » Voltaire avait écrit : « J'aimerais mieux de casques menaçants. »
342-a On attend quelque chose après ces foudres, qui ne sont pas les seuls objets de la guerre, et ce quelque chose manque à la phrase.
342-b Il me semble que les boulets de canon tombent d'abord sur des armes et sur des remparts avant de tomber sur le fauteuil du roi de Pologne; cette image n'a pas assez de précision, les vers en paraissent un peu communs, et comme la phrase exige encore une autre peinture que celle des canons, ne serait-il pas à propos de parler de la baïonnette, etc.
342-c Ce malgré les aquilons fait un peu languir le vers; à braver les rayons du soleil et les aquilons, à fendre les champs des aquilons, etc., enfin des images poétiques :
A diriger leur vol aux champs des aquilons.
342-d La phrase est un peu amphibologique par le tour : avant d'avoir acquis tombe sur le père; c'est avant qu'ils aient acquis; mais il faut éviter les aient, et ces tours sont trop prosaïques.
342-e Mère au singulier et vous au pluriel ne se peut sauver qu'en disant d'une mère. Je voudrais les peindre déjà partis pour la campagne en s'arrachant aux bras d'une mère.
344-a Mars peut enrôler sous Bellone, comme Bellone sous Mars. Ce sont des expressions trop générales, et par conséquent faibles.
344-b Quant au fusil sur l'épaule, ne serait-il pas beau d'essayer de peindre ce qui est exprimé ici? Le mérite de la poésie, et surtout de la poésie didactique, ne consiste-t-il pas à dire singulièrement les choses communes? Ne pourriez-vous pas dire que l'épaule immobile et ferme porte du fusil le fardeau respectable? Il me semble qu'il conviendrait de relever ainsi par une épithète ces premiers emplois dont, vous ne voulez pas qu'on rougisse.
344-c Fasse les mouvements, un peu trop prosaïque; soit souple aux mouvements ne dirait-il pas la même chose avec énergie?
344-d Je ne sais si les soldats commençants n'est pas trop faible. Que Mars dans l'exercice enseigne à ses enfants, ou quelque chose de relevé.
344-e Ainsi qu'une statue paraît une expression du style burlesque, et les rangs au pluriel ne convient pas au singulier à qui vous adressez la parole :
Ferme dans votre rang, immobile, en silence,
L'œil assuré et fixé sur le, etc.
344-f Mais je m'aperçois qu'il faut que toute cette phrase soit au pluriel; ainsi il faudra ôter soyez sobre et frugal, ce qui d'ailleurs paraît déplacé dans cette description de la parade, et qui peut être détaché. Je voudrais donc commencer par déterminer ce pluriel :
Tous fermes dans vos rangs, en silence, immobiles,
L'œil fixé sur le chef, à ses ordres dociles,
Attentifs à sa voix, il commande, agissez,
En mouvements égaux ....... exercez,
............................
Tirez par pelotons, en observant vos temps;
Sobres ....
346-a De ces jeunes guerriers dont Mars reçoit l'hommage est ce que l'on appelle un vers de remplissage; ne serait-il pas très-à propos de fortifier ce beau vers par des exemples?
Qui ne sait obéir ne pourra commander.
Tel, sous le grand Maurice exerçant son courage,
Turenne de son art a fait l'apprentissage,
346-b Ce vers semble destiné pour expliquer et prouver le précédent; cependant il ne le fait pas, il présente un sens détaché, il dit une chose qui paraît ne pas mériter d'être dite : on sait assez que beaucoup de bataillons font une armée; ce n'est pas là un précepte, et il s'agit ici des préceptes de l'art. Le sens est à peu près :
Ces ressorts agissants, ces membres de l'armée
D'un mouvement commun la rendent animée.
346-c Que l'ouvrage combine paraît faible; Vouvrage n'est pas le mot propre, l'ouvrage est plutôt combiné, et ce mot, qui paraît générique, ne convient pas :
Qu'à Marli s'éleva cette machine immense
Dont la Seine captive admire la puissance,
Qu'à Marli s'éleva cette immense machine
Qui rend la Seine esclave, et sur les airs domine;
Cent pompes, cent ressorts à la fois agissants
Pressent dans des canaux les flots obéissants.
346-d Remarquez qu'un ressort ne foule pas et n'aspire pas. Remarquez que le participe aspirant ne fait pas un effet heureux avec le qui : le mot de soupape doit être précédé de pompes.
348-a On ne peut dire remplir son ouvrage, on dit : remplir sa tâche, son devoir. Le mot dresse est trop trivial. Encore une fois, le grand secret, le seul secret est d'ennoblir ces détails :
A peu près {Ainsi, dans ces grands corps que la gloire conduit, / Que tout soit animé d'un courage docile}
La valeur qui s'égare est souvent inutile,
Des mouvements trop prompts, trop lents, trop incertains,
Font tomber les lauriers qu'avaient cueillis vos mains.
348-b La même nécessité d'ennoblir les détails paraît ici plus que jamais. Installé chef d'une compagnie ne peut guère se souffrir, un nombre de soldats est trop vague.
Quelque chose d'approchant. {Aimez donc ces détails, ils ne sont point sans gloire, / Et c'est là le premier pas qui mène à la victoire; / Dans des honneurs obscurs vous ne vieillirez pas,}
postes
Soldat, vous apprenez à régir des soldats;
Bientôt, chef éclairé d'une troupe intrépide,
Marchant de grade en grade où le devoir vous guide,
Vous voyez sous vos lois un bataillon nombreux;
Dirigez bien sa marche et gouvernez ses feux,
Montrez-lui dans quel ordre un bataillon s'avance,
Charge, tire, recharge, et s'arrête ou s'élance.
348-c Le bataillon et la compagnie portent également cette foudre, lancent également ce trépas. Ce trépas et cette foudre sont des termes trop vagues.
348-d Savoir, devoir, consonnance dure; charge et charge, désinence plus dure.
349-+ Voltaire a rayé les mots « De même, dans ces, » et il a écrit au-dessus : « Ainsi, dans ces grands. »
330-+ Épître VI, v. 113-116 :
Le public, enrichi du tribut de nos veilles,
Croit qu'on doit ajouter merveilles sur merveilles :
Au comble parvenus il veut que nous croissions.
Il veut en vieillissant que nous rajeunissions.