I. ODE VII (VIII). AUX PRUSSIENS. AVEC LES REMARQUES DE VOLTAIRE.[Titelblatt]
<322>LÉGÈRES REMARQUES.322-+
<323>ODE VII (VIII). AUX PRUSSIENS.322-+
322-aPrussiens, que la valeur conduisit à la gloire,
Héros ceints des lauriers que donne la victoire,
Enfants chéris de Mars, comblés de ses faveurs,
Craignez que la paresse,
L'orgueil et la mollesse
Ne corrompent vos mœurs.
Par l'instinct passager d'une vertu commune,
Un peuple sous ses lois asservit la fortune,
Il brave ses voisins, il brave le trépas;
Mais sa vertu s'efface,
Et son empire passe,
S'il ne le soutient pas.
Peuples que la valeur conduisit à la gloire.
Héros ceints des lauriers que donne la victoire.
Enfants chéris de Mars, comblés de ses faveurs,
Craignez que la paresse,
L'orgueil et la mollesse
Ne corrompent vos mœurs.
Par l'instinct passager d'une vertu commune.
Un État sous ses lois asservit la fortune,
Il brave ses voisins, il brave le trépas :
Mais sa vertu s'efface,
Et son empire passe,
S'il ne le soutient pas.
Ennemis des Romains, rivaux de leur génie,
Vous vîtes dans vos fers expirer ses guerriers;
Mais Carthage l'avoue,
Le séjour de Capoue
Flétrit tous vos lauriers.
Jadis tout l'Orient tremblait devant l'Attique,
Ses valeureux guerriers, sa sage politique,
De ses puissants voisins arrêtaient les progrès,
Quand la Grèce opprimée
Défit l'immense armée
De l'orgueilleux Xerxès.
A l'ombre des grandeurs elle enfanta les vices,
L'intérêt y trama ses noires injustices,
La lâcheté parut où régnait la valeur,
Tels furent les vainqueurs de la fière Ausonie.
Ennemis des Romains, rivaux de leur génie.
Ils imposaient leur joug à ces peuples guerriers :
Mais Carthage l'avoue,
Le séjour de Capoue
Flétrit tous ses lauriers.
Jadis tout l'Orient tremblait devant l'Attique.
Ses valeureux guerriers, sa sage politique,
De ses puissants voisins arrêtaient les progrès.
Quand la Grèce opprimée
Défit l'immense armée
De l'orgueilleux Xerxès.
A l'ombre des grandeurs elle enfanta les vices.
L'intérêt y trama ses noires injustices,
La lâcheté parut où régnait la valeur,
La rendit la risée
De son nouveau vainqueur.
Ainsi, lorsque la nuit répand ses voiles sombres,
L'éclair brille un moment au milieu de ses ombres,
Dans son rapide cours son éclat éblouit;
Mais dès qu'on l'a vu naître,
Trop prompt à disparaître,
Son feu s'anéantit.
326-cLe soleil plus puissant du haut de sa carrière
Dispense constamment sa bénigne lumière,
Il dissout les glaçons des rigoureux hivers;
Son influence pure
Ranime la nature
Et maintient l'univers.
Et sa force épuisée
La rendit la risée
De son nouveau vainqueur.
Ainsi, lorsque la nuit répand ses voiles sombres,
L'éclair brille un moment au milieu de ces ombres.
Dans son rapide cours un éclat éblouit;
Mais dès qu'on l'a vu naître.
Trop prompt à disparaître.
Son feu s'anéantit.
Le soleil plus puissant du haut de sa carrière
Dans son cours éternel dispense sa lumière.
Il dissout les glaçons des rigoureux hivers :
Son influence pure
Ranime la nature
Et maintient l'univers.
Il en est le principe, il en est la ressource;
Quand la vermeille aurore éclaire l'orient,
Les astres qui pâlissent
Bientôt s'ensevelissent
Au sein du firmament.
Tel est, ô Prussiens, votre auguste modèle;
Soutenez comme lui votre gloire nouvelle,
Et sans vous arrêter à vos premiers travaux,
Sachez prouver au monde
Qu'une vertu féconde
En produit de nouveaux.
Des empires fameux l'écroulement funeste
N'est point l'effet frappant de la haine céleste,
Rien n'était arrêté par l'ordre des destins;
Ce feu si lumineux dans son sein prend sa source,
Il en est le principe, il en est la ressource :
Quand la vermeille aurore éclaire l'orient.
Les astres qui pâlissent
Bientôt s'ensevelissent
Au sein du firmament.
Tel est, ô Prussiens, votre auguste modèle :
Soutenez comme lui votre gloire nouvelle.
Et sans vous arrêter à vos premiers travaux.
Sachez, prouver au monde
Qu'une vertu féconde
En produit de nouveaux.
Des empires fameux l'écroulement funeste
N'est point l'effet frappant de la haine céleste.
Rien n'était arrêté par l'ordre des destins;
L'imprudent fait naufrage;
Le sort est en nos mains.
Héros, vos grands exploits élèvent cet empire,
Soutenez votre ouvrage, ou votre gloire expire; 330-d
Au comble parvenus il faut vous élever :
A ce superbe faîte
Tout mortel qui s'arrête
Est prêt à reculer.
Dans le cours triomphant de vos succès prospères,
Soyez humains et doux, généreux, débonnaires,
Et que tant d'ennemis sous vos coups abattus
Rendent un moindre hommage
A votre ardent courage
Qu'à vos rares vertus.
Où prospère le sage,
L'imprudent fait naufrage;
Le sort est en nos mains.
Héros, vos grands exploits élèvent cet empire,
Soutenez votre ouvrage, ou votre gloire expire;
D'un vol toujours rapide il faut vous élever,
Et monté près du faîte,
Tout mortel qui s'arrête
Est prêt à reculer.
Dans le cours triomphant de vos succès prospères,
Soyez humains et doux, généreux, débonnaires,
Et que tant d'ennemis sous vos coups abattus
Rendent un moindre hommage
A votre ardent courage
Qu'à vos rares vertus.
322-a Le héros fait ici ses Prussiens de deux syllabes, et ensuite, dans une autre strophe, il leur accorde trois syllabes. Un roi est le maître de ses faveurs. Cependant il faut un peu d'uniformité, et les iens font d'ordinaire deux syllabes, comme liens, Silésiens, Autrichiens, excepté les monosyllabes rien, bien, tien, mien, chien, et leurs composés vaurien, chrétien, etc. Pourquoi ne pas commencer par peuples? ce mot peuple étant répété à la seconde strophe, on pourrait y substituer État.
322-+ Dans le manuscrit original, les Légères remarques et les lettrines qui y correspondent sont de la main de Voltaire; elles datent de l'année 1750, ainsi que le texte de l'Ode, qui a été écrit par un secrétaire. Quant au second texte, que nous imprimons au-dessous de l'autre, il est tiré de l'édition de 1752. C'est la rédaction que nous avons donnée ci-dessus, p. 39-42.
324-b Aimez-vous deux apostrophes de suite à deux nations différentes? On pourrait aisément mettre la chose à la troisième personne :
Les Africains, vainqueurs de la fière Ausonie, etc,
326-c Tout cela est très-beau, et la comparaison est admirable par sa grandeur et par sa justesse. Le mot de bénigne est un peu dévot, et n'est pas admis dans la poésie noble; deux bonnes raisons pour l'effacer de vos écrits. Cela est très-aisé à corriger. Durable serait peut-être mieux, ou bien point d'épithète :
Dans son cours éternel dispense la lumière,
ou bien, une égale lumière.
330-d Quand on est au comble, il n'y a plus à s'élever, ou la figure n'est pas juste. Quand Boileau a dit : 330-+
Au comble parvenus il veut que nous croissions,
il l'a dit exprès pour marquer une impossibilité, et il dit ensuite :
Il veut en vieillissant que nous rajeunissions.
On ne s'arrête guère au faîte, c'est-à-dire que cette expression est équivoque, car elle peut signifier qu'on s'arrête sur le faîte, et alors on ne peut plus avancer. On pourrait dire à peu près :
D'un vol toujours {égal / rapide} il faut vous élever,
Et monté près du faîte,
Tout mortel qui s'arrête, etc.
Ce serait grand dommage si vous renonciez à la poésie dans la force de votre génie et de votre âge, et après les progrès étonnants que vous avez faits. J'espère que V. M. occupera encore quelquefois son loisir de ces nobles amusements.
330-+ Épître VI, v. 113-116 :
Le public, enrichi du tribut de nos veilles,
Croit qu'on doit ajouter merveilles sur merveilles :
Au comble parvenus il veut que nous croissions.
Il veut en vieillissant que nous rajeunissions.