<110>Les vices, la douleur et le péril m'assiége.
J'ignore mon destin : d'où viens-je? où suis-je? où vais-je?
J'éprouve, en parcourant ce cercle étroit des ans,
De souffrance et de maux les douloureux tourments;
Quand je touche à la fin de ma triste carrière,
La fille Atropos vient clore ma paupière,
Et la vertu divine et le crime infernal
Dans ce monde maudit ont un destin égal.
Rien ne fléchit ce Dieu, ni le prix des offrandes,
Ni l'odeur des parfums; il est sourd aux demandes
Des mortels écrasés par ses cruels décrets.
Les voilà révélés, ces importants secrets :
Mylord, qu'importe donc la triste connaissance
De ce bras qui m'accable et cause ma souffrance,
Si la mort de mes maux peut seule me sauver?
Il est, il est des maux qu'un mortel doit braver;
La stoïque raison dont le flambeau m'éclaire
M'apprend à me roidir contre un malheur vulgaire,
A calmer le chagrin, à dissiper l'effroi
D'un désastre qui peut n'influer que sur moi.
On a vu des mortels dont l'âme peu commune
Foule aux pieds la grandeur, méprise la fortune,
D'un infâme intérêt déchire les liens,
Tranquille, inébranlable en perdant les faux biens,
Et dans sa décadence, aux trahisons en butte,
Oppose un front serein aux apprêts de sa chute.
Ne croyez pas, mylord, que j'emprunte le ton
De l'homme chimérique inventé par Platon :
Loin de vous étaler l'emphase scolastique,
C'est moi qui parle, instruit par ma dure pratique.
J'ai vu mes ennemis saccager mes États,