<124>J'allaite ma muse française
Aux tetons tendres et polis
Que Racine m'offre à mon aise;
Quelquefois, ne vous en déplaise,
Je m'entretiens avec Rousseau;
Horace, Lucrèce et Boileau
Font en tout temps ma compagnie.
Sur eux j'exerce mon pinceau,
Et dans ma fantasque manie
J'aurais enfin produit du beau,
S'il ne manquait à mon cerveau
Le feu de leur divin génie.
Vous en usez envers la religion comme envers moi et envers tout le monde : vous la caressez d'une main et l'égratignez de l'autre.
Vous avez, je le présume,
Pour chaque genre une plume :
L'une, confite en douceur,
Charme par son ton flatteur
L'amour-propre qu'elle allume;
L'autre est un glaive vengeur
Que Tisiphone et sa sœur
Ont plongé dans le bitume
De l'infernale noirceur;
Il blesse, et son amertume
Perce les os et le cœur.
Si Maupertuis meurt de rhume,
Si dans Bâle on vous l'inhume,
L'Akakiaa qui le consume
De sa mort est seul l'auteur.
a Allusion aux libelles que Voltaire publia contre Maupertuis, et qu'il réunit, en 1753, sous le titre de : Histoire du docteur Akakia et du natif de Saint-Malo. Voyez t. VII, p. 64.