<131>Sortira des antres secrets
Des politiques cabinets,
Je quitte et le casque et l'épée,
Et m'envolant soudain d'ici,
J'irai, confortant ma vieillesse
Par l'étude de la sagesse,
M'ensevelir à Sans-Souci.
En attendant, jouissez en paix de votre solitude. Ne troublez plus les cendres de grands hommes. Que la mort mette fin à votre injuste haine, et que Maupertuis trouve au moins un asile dans le tombeau.a Songez que les rois, après s'être longtemps battus, font la paix. Je crois que vous descendriez aux enfers comme Orphée, non pas pour en ramener l'immortelle Emilie,b mais pour persécuter dans ce séjour, supposé qu'il existe, un homme que votre rancune a poursuivi violemment dans ce monde-ci. Immolez cette haine, qui vous flétrit et fait tort à votre réputation. Que le plus beau génie de la France soit le plus généreux des hommes; c'est la vertu, c'est le devoir, qui vous parlent par ma bouche; ne soyez pas insensible à cette voix. Pratiquez les beaux sentiments que vous exprimez en vers avec tant d'élégance et de force. Croyez-moi, un exemple de magnanimité persuade plus que tous les beaux préceptes qu'étale la tragédie. Que le dieu des philosophes vous inspire des sentiments plus doux et plus modérés, et que le dieu de la santé vous conserve pour l'ornement des belles-lettres et du Parnasse!
Faite au mois de septembre; corrigée à Wilsdruf, 1759.
a Maupertuis était mort à Bâle, le 27 juillet 1759.
b La marquise du Châtelet. Voyez t. VII, p. 63.