<199>Que, malgré sa raison, de tous les animaux
L'homme est le plus cruel, de tous le plus féroce.
Non, l'animal n'a point ce caractère atroce :
La faim le rend avide, et non dissimulé,
Son courroux, s'il s'enflamme, est bientôt exhalé;
Mais l'homme étant vengé conserve encor sa haine.
Cependant cette race, envers elle inhumaine,
Perverse et si portée à la méchanceté,
Au milieu des horreurs et de l'iniquité,
Produisit quelquefois de ces âmes divines
Qui sans doute des cieux tirent leurs origines,
Esprits consolateurs des maux que nous souffrons,
Qui paraissent des dieux au milieu des démons.
Mais d'un présent si beau, si précieux, si rare,
La main de la nature en tout temps fut avare.
Le mal assurément domine ici partout,
Il est dans l'univers de l'un à l'autre bout,
On le trouve en autrui, trop souvent en soi-même.
Eh quoi! l'Être parfait, ce Dieu grand et suprême,
Fait-il également de sa divine main
Cet ange que j'honore et ce monstre inhumain?
Je m'arrête, interdit, au bord de cet abîme,
Où se perd en sondant l'esprit le plus sublime :
Mes yeux respectueux de ces profonds secrets
Détournent aussitôt leurs regards indiscrets.
Il nous suffit ici, malheureux que nous sommes,
Tous les jours exposés aux trahisons des hommes,
D'apprendre, en contemplant ce spectacle touchant,
Combien le cœur humain est perfide et méchant.
Il le paraît surtout quand, libre de contrainte.
Du frein sacré des lois il étouffe la crainte,