<21>N'apercevez-vous point aux rives du Bosphore
L'impérieux sultan, dont l'orgueil vous abhorre?
Il bénit votre rage et vos cruels débats,
Votre discorde affreuse avance son ouvrage.
C'est vous qui lui prêtez vos sanguinaires bras
Pour épargner aux siens le meurtre et le carnage;
Et de ses pompeuses tours
Il contemple, plein de joie,
L'aigle et le faucon en proie
Au bec tranchant des vautours.
Tel le Romain vainqueur voyait au Colisée
Des ennemis captifs la troupe méprisée
Pour son amusement se livrer des combats
Où des gladiateurs que, dans ces jeux atroces,
Un plaisir inhumain dévouait au trépas,
Se laissaient déchirer par des bêtes féroces;
Il s'abreuvait en repos,
Sans se reprocher ses crimes,
Du sang de tant de victimes
Que moissonnait Atropos.
Mais n'avez-vous, cruels, que l'étranger à craindre?
Le péril est pressant, il n'est plus temps de feindre;
Regardez le Danube enfanter vos tyrans.
Tandis qu'aveuglément votre audace me brave,
La liberté s'indigne, et ses regards mourants
Pleurent un peuple vil qui veut se rendre esclave.
Ah! détestez vos écarts;
Votre étrange fanatisme
Va fonder le despotisme
Qu'ont préparé vos Césars.