<210>Et, sur tous ses défauts rigide et vigilante,
Dompte des passions la révolte naissante.
Le sage est doux, humain, sensible et généreux,
Il connaît des mortels l'égarement affreux;
Pour eux juge indulgent, il est pour lui sévère.
L'absinthe à votre goût est âpre et trop amère?
Vos cris sont vains, son suc n'en est point radouci :
Tolérez les méchants, puisqu'ils sont faits ainsi.
Qu'importe si la main d'un ingrat, d'un perfide,
Ose attenter sur vous; le prendrez-vous pour guide?
Son crime et sa noirceur vous le font détester,
Mais votre emportement est près de l'imiter.
Songez qu'en votre cœur le ciel mit la clémence
Pour surmonter la haine et pardonner l'offense;
Cette aimable vertu, sans fruit pour vos amis,
Ne peut briller en vous qu'envers vos ennemis,
Qu'envers des scélérats, des traîtres, des parjures.
Certain passant, dit-on, éclatant en injures,
Étendu sur le bord du plus clair des ruisseaux,
De fange et de limon voulut souiller les eaux;
Mais son paisible cours, en poursuivant sa pente,
Augmenta la clarté de son eau transparente.
Varus au désespoir paraît s'abandonner;
D'où provient sa douleur? Il faut l'examiner :
La gloire le possède, il s'emporte, il s'enflamme
De ce qu'un inconnu dans ses discours le blâme.
Ami, sois en repos, écoute la raison;
Sois docile à sa voix et souple à sa leçon.
Quel est l'objet fâcheux dont l'aspect te dérange?
Quels sont ces vains propos de blâme ou de louange?