<211>J'entends de quelques sons l'ébranlement léger,
Des mots articulés, et dissipés dans l'air.
Quelle immortalité te peut donner la gloire?
Tu veux de nos neveux étourdir la mémoire,
Et voir tout l'avenir de tes hauts faits frappé,
De ton nom, de toi seul à jamais occupé?
Approche, et ton erreur va d'abord disparaître.
Pendant l'éternité qui précéda ton être,
Dis-moi, fus-tu sensible à ce qu'on dit de toi?
Ménippea ou l'Arétina t'ont-ils rempli d'effroi?
Si de tous leurs discours tu n'eus aucune idée,
De quelle rage enfin ton âme possédée
Peut-elle s'agiter de ce qu'après ta mort
Le monde, en te jugeant, aura raison ou tort?
Lorsque la froide mort étend sur nous ses ailes,
Du feu qui nous anime éteint les étincelles,
Nous couche dans la tombe à jamais étendus,
Dès ce moment, pour nous tout l'univers n'est plus;
Dans cette sombre nuit que le vulgaire abhorre,
Aucun ne sentira le ver qui le dévore.
Les plus grands ennemis, les plus ambitieux,
Qui pensaient se placer sur le trône des dieux,
Qui de tout l'univers se disputaient l'empire,
Acharnés à se perdre, ardents à se détruire,
Ces fiers compétiteurs, et Pompée, et César,
Lépide, Antoine, Auguste, enfin Charle et le Czar,
De toutes leurs fureurs, leurs combats et leurs haines
Ont à peine laissé quelques images vaines;
Leurs chagrins sont perdus, ainsi que leurs travaux,
a Voyez t. IX, p. 54, 55 et 187; et t. X, p. 163.