<215>Mon corps à la douleur n'est point inaccessible,
Je sais qu'il faut souffrir le mal et le trépas;
Votre nécessité ne me console pas. »
Quoi! vous ne voyez point qu'ici-bas la souffrance
N'épargne ni vertu, ni pouvoir, ni naissance,
Atteint un criminel ainsi qu'un innocent?
Chacun s'y voit sujet, et nul n'en est exempt;
Tout ce que la vertu partage avec le crime
N'est un mal qu'à l'égard d'un cœur pusillanime.
A quoi sert la constance et l'intrépidité,
Si ce n'est pour braver les coups d'adversité?
Dès que le mal est long, il devient supportable;
S'il est court, il finit, il est plus tolérable.
Votre corps, en effet, en peut être abattu,
Mais il ne peut blesser l'honneur ni la vertu.
Si le temps vous guérit, si, tandis qu'il s'envole,
En essuyant vos pleurs enfin il vous console,
Il conviendrait au sage éclairé par Zénon
Qu'il dût cet heureux calme aux fruits de sa raison.
Vos tourments, vos soucis sont souvent des chimères,
Préjugés appuyés des erreurs populaires,
Que de l'esprit d'un sage il faut déraciner.
Quel charme à l'univers a pu vous enchaîner?
La terre à mes regards est un amas de boue
Dont la vicissitude insolemment se joue,
Le monde, à peine un point du tout illimité,
Et nos jours, un clin d'œil envers l'éternité.
L'instant présent s'enfuit, il vient de disparaître,
Le passé n'est plus rien, et l'avenir doit naître;
Et dans ce tourbillon notre esprit inconstant,