<228>Mais quel est le principe enfin qui nous anime?
Vous le voyez, tout corps vit par le mouvement,
Rien ne peut se mouvoir que par le changement.
Tandis que notre sort par nécessité change,
Nous ne pouvons jouir d'un bonheur sans mélange,
Nos parents, nos amis doivent naître et mourir,
Nous devons pleurer, rire, espérer et souffrir.
Mais pourquoi, direz-vous, l'homme est-il dans le monde?
Ces êtres qu'enfanta la nature féconde,
La chaîne qui descend de l'homme aux végétaux,
Du sublime Newton aux moindres vermisseaux,
De la profusion accidents nécessaires,
Sont produits pour orner les plaines sublunaires;
Peut-être l'Éternel voulut qu'en ce séjour
Tout atome jouît de la vie à son tour.
Voyez dans vos jardins, sous un tas de poussière,
Les fourmis à l'écart creuser leur fourmilière;
Pourraient-elles penser que la faveur des dieux
Créa pour les fourmis l'eau, la terre et les cieux?
Sans les voir, en passant, le maître du domaine
Écrase sous ses pieds leur engeance hautaine.
L'auteur de la nature est au-dessus des lois,
Il n'est point notre esclave, il est libre en ses choix;
Dans un des moins parfaits des univers possibles,
D'un bonheur passager il nous fit susceptibles.
S'il est des scélérats, opprobres des humains,
Nous avons des Catons et des Marc-Antonins :
Soyons contents, ce monde à nos vœux doit suffire.
A moins que d'être enfer, il ne serait pas pire,
Répond le philosophe avec simplicité.
Pénétrez donc au fond de la difficulté;