LE CONTE DU VIOLON.
Certain monsieur Vacarmini,
Élève harmonieux de monsieur Tartini,14
Voyageait pour se faire entendre
Par les trois quarts de l'univers.
Un beau jour, produisant en Flandre
Lui, son violon et ses airs,
Il se trouvait en compagnie
Où le monde, ébahi de tant d'accords divers
D'une exécution hardie,
Stupide admirateur de ses talents divins,
Redoublait d'applaudir et de battre des mains.
Les concerts achevés, un étourdi l'aborde,
Lui dit : Daignez à moi, comme à mes citadins,
Accorder une grâce. - Ah! tout je vous accorde;
Ordonnez, dit l'artiste, elle est à votre choix.
- De votre violon détachez une corde,
Et puisqu'il vous en reste trois,
Voyez si vous pourrez suppléer par vos doigts
Au défaut de la chanterelle.
- Cette invention est nouvelle,
Dit l'autre, et pourtant je verrai
14 Tartini, un des plus fameux violons d'Italie. [Giuseppe Tartini, né en 1692 à Pirano en Istrie, mort à Padoue en 1770.]