<238>Je fus ambitieux, je désirais l'empire;
Quel homme ne l'est pas?a Je sors de ce délire.
Quoi! ce pouvoir fatal qu'on m'ose disputer,
Est-ce par votre sang qu'il le faut cimenter?
Et faudra-t-il souffrir pour le bien d'un seul homme
Que de ses propres mains Rome déchire Rome?
La patrie à nos yeux ne doit point succomber,
S'il faut que quelqu'un tombe, Othon seul doit tomber.
Ma mort terminera la discorde civile;
Au moins à cette fois je puis vous être utile
En arrêtant d'un coup et les proscriptions,
Et les effets sanglants de vos divisions,
Tous malheurs qui du monde entraîneraient la perte.
L'image de ces maux à mes yeux s'est offerte,
Sur ce funeste objet je me suis consulté,
J'ai sondé les replis de ce cœur agité;
Il n'a pu soutenir cette affreuse pensée.
Perdant le souvenir de ma grandeur passée,
Accablé de débris, entouré de fuyards,
J'ai jeté sur la mort d'intrépides regards.
Que me ravira-t-elle? Un pouvoir peu durable,
Un bien qu'en l'acceptant je connus périssable,
Un bien que tout mortel doit quitter quelque jour.
Ah! que Vitellius le possède à son tour.
Je veux, de quelque éclat dont brille sa victoire,
D'un ennemi vainqueur surpasser la mémoire;
S'il s'achemine au trône à force de forfaits,
Je veux, en le quittant, vous combler de bienfaits.
Les dieux m'en sont témoins, lorsque, daignant m'élire,
a Voltaire dit dans Mahomet, acte II, scène 5 :
Je suis ambitieux; tout homme l'est, sans doute.