<243>Et nous vivons encor! et nous sommes témoins
Des crimes que n'ont pu conjurer tous nos soins!
La vertu combattait pour la cause commune,
Les lois étaient pour nous, pour César la fortune;
L'univers est soumis aux fers des scélérats.
Qu'il règne, le cruel, sur des Catilinas,
Dignes d'accompagner sa pompe triomphale.
O héros immolés aux plaines de Pharsale!
O mânes généreux des derniers des Romains!
Du fond de vos tombeaux, de ces champs inhumains
Où sans distinction repose votre cendre,
A mes sens éperdus vos voix se font entendre :
« Quitte, quitte, Caton, ce séjour détesté
Où le crime insolent détruit la liberté;
Jouet infortuné des guerres intestines,
Vole t'ensevelir sous nos tristes ruines. »
Oui, vengeurs malheureux de nos augustes lois,
Caton ne sera point rebelle à votre voix.
Mais sauvons nos débris épars sur ce rivage,
Qu'ils voguent loin des bords où dominait Carthage,
Loin du joug qu'un tyran voudrait leur imposer;
Alors de mon destin je pourrai disposer.
Et toi, mon seul espoir, à qui je donnai l'être,
Que je laisse en mourant sous le pouvoir d'un maître,
Fuis les lieux corrompus, le séjour profané
Où ce vainqueur répand son souffle empoisonné ;
D'un tyran orgueilleux fuis l'aspect effroyable,
Cherche en d'autres climats un ciel plus favorable,
Et te maintenant libre en ce siècle odieux,
Souviens-toi des vertus dont brillaient tes aïeux.
Que ton cœur en conserve un souvenir modeste,