<42>A d'aussi grands projets il faut de grands moyens :
Chez les plus puissants rois tu cherches des soutiens;
Tes conseillers experts, rompus aux artifices,
Par l'imposture et l'or ameutent tes complices;
Il n'est point de forfait, il n'est point d'attentat
Qu'on n'emploie à former ce fier triumvirat.
Ce complot monstrueux opprime en une année
De son terrible poids l'Europe consternée;
L'ami timide feint de craindre le danger,
L'ami perfide à Vienne accourt pour s'engager.
Depuis le Roussillon jusqu'au climat sauvage
Où le Russe glacé croupit dans l'esclavage,
Tout s'arme pour l'Autriche, on marche sous ses lois,
On conjure ma perte, on foule aux pieds mes droits.
La fille des Césars dévorait sa conquête,
Présageait son triomphe, en préparait la fête,
Vivait dans l'avenir, et goûtait les douceurs
De recueillir les fruits de ses projets flatteurs.
Tel est le sort des grands dont la vertu commune,
Basse dans les revers, haute dans la fortune,
S'enivrant du poison de la prospérité,
Ne peut poser de terme à sa cupidité.
L'insolent intérêt, abusant du délire,
Nomme au triumvirat les rois qu'il doit proscrire,
Et ces tyrans ingrats, par le crime liés,
S'immolent sans remords leurs plus chers alliés.
O jour digne d'oubli! quelle atroce imprudence!
Thérèse, c'est l'Anglais que tu vends à la France,
Ton généreux soutien dans tes premiers malheurs,
Lui, qui résista seul au nombre d'oppresseurs
Dont l'espoir divisait ce puissant héritage