<58>Mais que fais-je, grand Dieu! courbé sous la tristesse,
Est-ce à moi de nommer les plaisirs, l'allégresse?
Et sous les griffes du vautour,
Voit-on la tendre Philomèle
Ou la plaintive tourterelle
Chanter ou soupirer d'amour?
Depuis longtemps pour moi l'astre de la lumière
N'éclaira que des jours signalés par nos maux;
Depuis longtemps Morphée, avare de pavots,
N'en daigna plus jeter sur ma triste paupière.
Je disais au matin, les yeux chargés de pleurs :
Le jour qui dans peu va renaître
M'annonce de nouveaux malheurs;
Je disais à la nuit : Ton ombre va paraître
Pour éterniser mes douleurs.
Lassé de voir toujours la scène injurieuse
D'un concours de calamités,
Des coupables mortels la rage audacieuse
Décharger contre moi leur haine furieuse
Et les traits dangereux de leurs iniquités,
J'espérais que du temps le tardif bénéfice
Ferait renaître enfin un destin plus propice;
Que les cieux longtemps obscurcis,
Livrés aux ténébreux ravages
Des aquilons et des orages,
Seraient à la fin éclaircis
Par l'astre lumineux qui, perçant les nuages,
De ses rayons brillants dorant les paysages,
Ramènerait des jours par ses feux radoucis.
Je me trompais, hélas! tout accroît mes soucis :
La mer mugit; l'éclair brillant dans la tempête,