<8>Usez de ce trésor avec poids et mesure :
Partout l'abondante nature
Vous fournit des plaisirs nouveaux;
Le ciel, en dépit des dévots,
Prodigue ses faveurs aux enfants d'Épicure,
Et la volupté la plus pure,
Comme une immense mer en répandant ses flots,
Les désaltère de ses eaux.
De sa liqueur enchanteresse
Abreuvez-vous, jeunes héros;
Mais gardez-vous de son ivresse.
On ne sent pas, dans la chaleur,
Dans le transport, dans le délire
Des passions que l'on respire,
Jusqu'où peut aller leur fureur.
Croyez-en mon expérience,
Associez la tempérance
Aux goûts de ces plaisirs charmants;
Vous êtes dans votre printemps,
Et le conseil de la prudence
Est de vous ménager pour en jouir longtemps.
Les destins ont borné les facultés de l'homme;
Le prudent seul, bon économe,
En garde encor pour ses vieux ans.
Ce n'était pas ainsi que, d'une voix tremblante,
J'exerçais ma muse naissante
A chanter, jeune encor, les succès de l'amour;
Le temps, de sa main malfaisante,
D'une voix naguère brillante
Éteint le charme sans retour.
Adieu gaîté, plaisir, et santé florissante;