A VOLTAIRE.
Non, plus je ne veux à Paris
Avoir de courtier littéraire;
Je n'y vois plus ces beaux esprits
Dont nombre d'immortels écrits,
En m'instruisant, savaient me plaire.
Je ne veux de correspondants
Que sur les confins de la Suisse,
Province qui jadis était très-fort novice
En arts, en esprit, en talents,
Mais qui contient des bons vieux temps
Le seul auteur qui me ravisse
Par l'art harmonieux de modeler ses chants.
Ces Grecs, vos favoris, cherchèrent en Asie
Les sciences, la vérité;
Platon jusqu'en Égypte avait même tenté
D'éclairer sa philosophie.
Désormais nos cantons, charmés de ses attraits,
Sans chercher pour l'esprit des aliments dans l'Inde,
Trouvent le dieu du goût comme le dieu du Pinde
Tous deux réunis dans Ferney.
Vous m'enverriez votre extrait baptistaire, que je n'en croirais pas davantage à votre curé.
<110>On juge mal, on est déçu
En se fiant à l'apparence;
Je suis très-sûr et convaincu
Que Voltaire en secret a bu
De la fontaine de Jouvence.
Jamais aucun héros n'approcha de son sort,
Immortel par sa vie ainsi qu'après sa mort.
A Potsdam, le 29 février 1773. (L'année 1773 n'était pas une année bissextile. Néanmoins la réponse de Voltaire, du 19 mars, rappelle la date du 29 février.)