<49>Esclave malheureux, voulut se délivrer,
Suivant de son instinct la fureur indiscrète,
Crut de forcer ses fers, et se brisa la tête.
Préférons sagement notre état, tel qu'il est,
Au futur incertain, au repentir sujet.
Ce monde est une mer par cent écueils fameuse,
Par les vents soulevée, écumante, orageuse;
Le péril suit le calme, et la sécurité
Y fonde uniquement notre tranquillité.
Quand le danger paraît pressant, inévitable,
Oppose à sa terreur un front inébranlable;
Si ton navire heureux est secondé des vents,
Cale modestement tous tes voiles à temps.
Que ta prospérité ne t'enfle point d'audace,
Mais ne t'avilis point au temps de ta disgrâce;
Sois sage, sois prudent, commets le reste au sort,
Tes succès, tes revers, et ta vie, et ta mort.
C'est ainsi que l'Athos, de sa cime exhaussée,
Contemple avec mépris la vague courroucée;
Les aquilons mutins se brisent à ses pieds,
Les nuages en vain sont contre lui ligués.
L'orage rugissant, la foudre épouvantable,
Ne sauraient ébranler sa tête inaltérable;
Entouré de dangers, il garde son repos,
Tandis qu'aux bords des mers on voit de vils roseaux,
Chancelants, incertains, dont la tige tremblante
Au souffle des zéphyrs s'agite d'épouvante.
Ce 17 mars 1740.
Federic.