<63>Un ami franc, un cœur sincère
N'habite point cet hémisphère;
L'avide et sordide intérêt
Met les sentiments à l'enchère,
Et l'amitié, qu'on honorait,
N'est plus qu'un trafic mercenaire;
C'est un nœud qui n'attache guère,
Un fantôme qui disparaît.
Le vent vous est-il favorable,
Tout s'empresse à vous entourer,
Et le courtisan serviable
Pour vous, d'un zèle inimitable,
Se laisserait sacrifier.
Mais la faveur est peu durable;
Une tempête épouvantable
De loin vous semble menacer :
L'ami de cour craint la bourrasque,
Il vous trahit et se démasque;
Et, d'un rire sardonien,
La caustique et fausse malice,
En vous poussant au précipice,
Méprise encor votre destin.
Là, l'erreur ignorante et sotte,
Altière, orgueilleuse et bigote,
Prenant de la religion
Le bandeau de l'opinion,
En a composé sa marotte;
L'aveugle superstition,
Dont le zèle indiscret s'emporte,
Le fanatisme, qui l'escorte,
Y sont en vénération.