X. ÉPITRE A LA REINE.
O reine que mon cœur révère!
Femme héroïque et tendre mère,
Ta bonté, toutes tes vertus,
Les faibles par toi défendus,
Ta grande âme compatissante,
Et secourable, et bienfaisante,
Ta douceur, ta fermeté,
Et cette magnanimité
Qui te fait pardonner l'offense,
Ta justice et ton équité,
Ces limites de ta puissance,
Tes vertus, dont l'éclat divin
A les imiter nous invite,
Et qui font, lorsqu'on les médite,
Mieux présumer du genre humain,
Ce sont elles qui, du silence
Auquel je m'étais condamné
Ayant rompu la violence,
A te chanter m'ont destiné.
Veuille le ciel que ta carrière,
<51>Brillante et couverte de fleurs,
N'offre jamais à ta paupière
Que des jours remplis de douceurs!
Que la trame trop peu durable
De jours si beaux, si précieux,
Par Atropos inexorable
Jamais ne soit tranchée en deux!
Plutôt tranchez mes destinées,
Dieu du Styx, dieu de l'Achéron;
Nouez-les au fil des années
Dont vos mains lui feront le don.
Heureuse, mille fois heureuse
L'âme bien née et généreuse
Qui dans les ombres du trépas
Pousse et précipite ses pas,
Pour conserver les jours insignes
Des héros, de nos vœux seuls dignes,
Et qui méritent nos amours!
Plus noble et plus digne d'envie
Est l'homme qui donne ses jours
Afin de conserver le cours
De ceux des auteurs de sa vie.
(27 mars 1738.)