<140> contents; on assure que les Autrichiens les fourragent et les pillent radicalement par amitié et par pure bonté de cœur. Ils en agissent ainsi, parce que, selon la nouvelle mode venue directement de Paris, c'est la meilleure manière d'assister ses alliés.
J'étais dans la persuasion que notre camp était le seul où l'on se servît de lunettes d'approche; je suis bien détrompé. J'ai vu ces jours passés une troupe dorée sur une honnête montagne, et une centaine de tubes braqués à la fois contre notre camp. N'est-il pas plaisant que des gens qui ne respirent que haine et vengeance, qui ne pensent qu'à se détruire, tant qu'ils sont éloignés les uns des autres, se considèrent et s'observent avec l'attention et l'extase dont l'homme le plus amoureux regarde sa maîtresse? L'amour et la haine produiraient-ils donc des effets semblables? Non, certainement. Si la vue de sa maîtresse fait naître à l'amant le désir de couronner sa flamme, la vue de l'ennemi inspire au guerrier le désir de profiter d'une mauvaise position ou d'une faute, de voir les changements arrivés dans les camps et d'en deviner les raisons.
Le bruit court que le fiscal du premier empire romain est arrivé dans celui du maréchal Daun pour exécuter une certaine sentence et pour prononcer certaines sottises revêtues de beaucoup de dignité. On dit encore que ce fiscal, muni d'une certaine épée, sera mis à la tête des grenadiers pour une entreprise secrète. Je ne vous garantis pas la nouvelle, mais cela sera tout à fait nouveau. Je me flatte que la seule idée vous en paraîtra agréable.
Je compte recueillir toutes les lettres que j'ai l'honneur de vous écrire, pour en former dans la suite les mémoires de la guerre présente. Cet ouvrage sera très-instructif; il contiendra des anecdotes inconnues à tout le monde et le secret de toutes les découvertes modernes. Je compte le diviser en trois parties : l'une ne traitera que des montagnes; dans l'autre, j'examinerai combien de milliards de canons il faut à une armée pour la rendre invincible; et, dans la troi-