<19> atomes dont nous sommes composés, pour les métamorphoser, par une nouvelle combinaison d'arrangements, en êtres nouveaux. On ne saurait séparer le mouvement du changement; ces deux idées sont liées ensemble. Comme donc l'action est le principe de toute mutation, et que la somme des maux surpasse de beaucoup la somme des biens dans ce monde, il en résulte nécessairement que tous nos malheurs dérivent de l'instabilité des choses, et que l'activité amène plus d'événements funestes que d'événements favorables. Il est donc évident que le plus heureux penchant de l'homme est celui qui le porte à la paresse, et que la fainéantise est un mérite, parce que le premier acheminement à la vertu est la privation du vice.
Si nous en croyons la légende des juifs, Dieu, après avoir créé le monde, se reposa; il se repentit d'avoir fait une mauvaise besogne, et pour que la même chose ne lui arrivât plus, il se confina dans un repos inaltérable. Les christicoles ont fait de leur Dieu le patron des fainéants; les solitaires qui passent leur vie dans une inaction perpétuelle sont, selon eux, les enfants de sa dilection et ses élus chéris. La vraie dévotion ne fructifie que lorsqu'elle est entée sur des âmes paresseuses; croire sans examiner, se laisser conduire par des prêtres pour s'épargner la peine de se guider soi-même, prier sans savoir ce qu'on dit, s'extasier ou rêver à la lune, ne rien faire, sont les attributs d'une sainteté parfaite. Heureuse fainéantise, par laquelle les fidèles franchissent sans effort les portes du salut! Il faut remarquer que non seulement les religions prêchent la paresse, mais que des sectes entières de philosophes ont été de la même opinion. Épicure, cette lumière de la Grèce profane, faisait consister le souverain bien dans l'inaction; il conseillait au sage de ne point se mêler du maniement de la république, et pour que ses dieux jouissent d'un bonheur inaltérable, il leur attribuait une impassibilité parfaite, félicité pure où, dans une douce tranquillité, ils abandonnaient le monde à la providence de la nature, sans que les passions les émussent, sans que