<49> les hommes puissent reconnaître l'ennemi de leur salut. Nous avons des yeux pour voir, et nous ne voyons pas; mais nous n'examinons rien. C'est notre paresse, c'est notre tiédeur, c'est notre coupable négligence qui nous fait donner dans tous les piéges que cet esprit rebelle et malfaisant nous tend. Nous ne veillons point au salut de nos âmes immortelles. Que l'esprit tentateur ait une barbe bleue ou non, personne n'y réfléchit. Il flatte nos passions, nous nous laissons séduire; on se fie en lui, et l'on est perdu. Voici comme la parabole explique cette importante vérité : « Une dame de qualité avait deux filles à marier; Barbe-bleue lui en demanda une. » Remarquez que le diable s'adresse toujours aux femmes. Il sait que ce sexe est plus fragile que le nôtre; ajoutez que, pourvu que l'ennemi de Dieu enlève quelqu'un, il lui est égal que ce soit la fille cadette ou la fille aînée, pourvu qu'il fasse son butin. « Longtemps elles ne purent se résoudre à épouser Barbe-bleue, parce qu'il avait eu plusieurs femmes, et personne ne savait ce qu'elles étaient devenues. » C'était que la grâce combattait encore dans le cœur de ces jeunes filles, et leur inspirait une secrète aversion contre le prince des ténèbres. Il ne faut point se familiariser avec lui, ou tôt ou tard l'on est perdu. Gardez-vous de commettre un premier crime; le second se commet sans remords. « Barbe-bleue mena ces demoiselles avec quelques jeunes gens à une de ses maisons de campagne où ce ne fut que bals, festins et promenades. » On ne saurait représenter plus clairement les ruses du démon et la marche qu'il prend pour nous séduire, qu'elles ne sont marquées dans cette parabole. Il vous insinue le goût des plaisirs : ce sont banquets superbes, bals lascifs, discours séduisants; ensuite il allume en nous le feu des passions, la volupté, le désir des richesses, l'orgueil, le dédain; et petit à petit il débauche ainsi à Dieu ses serviteurs. Nous sommes comme enivrés de cette figure du monde qui passe, nous n'aspirons plus à une béatitude éternelle, et nos funestes passions effrénées nous précipitent dans un gouffre de douleur.