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XXXI. LETTRE DU ROI, AU NOM D'UNE JOLIE GRISETTE, AU COMTE DE SCHWERIN, COLONEL DES GENDARMES, EN LUI ENVOYANT UN MAGOT DE PORCELAINE QUI ÉTAIT UNE CARICATURE DU COMTE.

De Nossen, ce 30 avril 1761.

Mon cher ange, mon aimable cœur, j'ai attendu jusqu'ici vainement que vous me donniez des marques de votre souvenir, après tout le chagrin que vous m'avez causé l'année passée. Je m'étais flattée, vous sachant à Grimma, qu'au moins vous me rendriez une visite; mais vous êtes un petit infidèle, et vos promesses sont plus légères que le vent. On dit que votre armée s'assemble. Je vous prie, mon cher cœur, par la tendresse que vous m'avez jurée, venez me voir avant ce temps, et que j'aie la consolation de vous embrasser avant que ces vilains pandours arrivent ici. Vous savez que je suis accouchée l'été passé, et pour que vous ne m'oubliiez pas, ni moi, ni cet enfant qui devrait vous tenir au cœur, je vous envoie son image que j'ai fait faire de porcelaine, qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau.<218> J'espère que le cri de la nature se fera entendre quand vous verrez son image, et que vous ne serez pas un ingrat envers cet enfant et envers sa mère, qui vous adore. Je vous embrasse, mon cher cœur, en vous assurant que votre souvenir y restera gravé jusqu'à mon dernier soupir.

P. S Au moins, mon cher cœur, donnez-moi une prompte réponse par le messager que je vous envoie; c'est un garçon sur la fidélité de qui je puis me reposer, et qui a promis de vous remettre la présente en main propre.