<124> Jamais, monsieur, je n'ai eu l'ambition de l'être; et si pareille pensée me fût venue, la connaissance que j'ai de l'infériorité de mes forces l'aurait bientôt supprimée.
Un censeur et un critique judicieux doit être un homme qui à beaucoup de bon sens et de lumières joigne une érudition complète, et qui, distinguant parfaitement le vrai du faux, le meilleur du bon, et la véritable valeur des choses du brillant éblouissant d'un clinquant fastueux, ne sache pas seulement corriger des fautes et relever des défauts; mais principalement il est de l'essence d'un bon critique qu'il sache enseigner le véritable chemin à ceux qui l'ont manqué, et c'est ce que j'ignore; non pas que je pense en aucune manière que vous ayez besoin d'être critiqué et redressé; en cela je distingue très-bien votre modestie, qualité qui vous attirera dans tous les siècles et de tous les êtres pensants une approbation générale; c'est elle qui vous fait dire que vous en avez besoin. Il est d'une grande âme de reconnaître que l'on peut faillir, et se croire parfait est le superlatif de la folie. Mais, d'un autre côté, un excès de modestie peut dégénérer en timidité, et c'est un venin contre lequel je crois devoir vous donner l'antidote. Si le suffrage de personnes d'un certain caractère peut vous en préserver, vous pouvez entièrement compter sur le mien, ayant dès mes jeunes ans eu un penchant insurmontable pour le bon et pour le beau, qui m'a déterminé en votre faveur dès les premiers discours que je vous ai entendu prononcer. Je suis dans les mêmes sentiments où j'étais alors, et je ne crois pas avoir eu lieu d'en changer. Mais si le dernier sermon que je vous ai entendu prononcer n'était pas de la force des précédents, vous m'en donnez de très-bonnes raisons; et j'avoue que je connais par moi-même que l'esprit de l'homme n'est pas toujours dans une égale assiette. Parvenu au point où vous êtes, il est impossible d'entasser merveilles sur merveilles.