<135> La première devait contenter un esprit juste et délicat, quand même la complaisance trop naturelle aux auteurs pour leurs ouvrages ne s'en serait pas mêlée. Cette pièce avait certainement de grandes beautés; mais il faut avouer que la seconde l'emporte. Il y a des pensées neuves à tous égards, et des endroits fort heureusement changés. J'ai d'abord lu cette ode comme l'ouvrage d'un prince pour lequel j'ai une vénération pleine de tendresse. Puis, craignant que le préjugé ne m'en imposât, je l'ai lue en critique. Si V. A. R. n'était pas à tous égards au-dessus de l'envie, et que je fusse susceptible de cette passion, je ne saurais m'empêcher d'admirer un ouvrage que je ne saurais imiter. J'ai donc lu et relu votre ode, monseigneur, toujours avec un nouveau plaisir, et toute ma critique n'a l'ait que fortifier mon admiration.
Tout cela est vrai, monseigneur, et, pour donner à V. A. R. une preuve de ma sincérité, je vais joindre à cette lettre quelques remarquesa dont elle fera l'usage qu'elle trouvera à propos. Ce n'est qu'à une troisième, à une quatrième lecture, que je m'en suis aperçu. L'harmonie des vers, le brillant des pensées, m'éblouissaient. J'en use avec cette liberté, monseigneur, soit parce que je ne saurais trahir la confiance de V. A. R., et parce que j'aperçois en elle autant de modestie que de goût et d'élévation d'esprit.
Censeur de vos propres ouvrages, monseigneur, vous ne les aimez qu'autant qu'ils approchent de la perfection dont vous vous êtes formé l'idée. Souffrez, monseigneur, que je vous en félicite. Il est plus beau de savoir corriger ses ouvrages que de les composer. Il faut un esprit fort supérieur pour effacer ce qui est bien pensé, afin de substituer ce qui l'est encore mieux. Vous irez en tout, monseigneur, à ce sublime que vous cherchez, et pour lequel vous êtes né. Dieu, sensible aux vœux publics, veuille conserver V. A. R. Je l'en prie
a Ces remarques ne se sont pas retrouvées aux archives.