<176> d'événements qui se suivent nous entraîne malgré nous, et qu'il y aurait de la folie à vouloir s'opposer contre ce qui est nécessité, et contre ce qui a été réglé ainsi de toute éternité. Il est vrai qu'une consolation tirée de la nécessité du mal n'est guère propre pour le soulager; cependant il y a quelque chose de satisfaisant dans l'idée que les chagrins qu'on nous fait endurer ne sont point les effets de nos fautes, mais qu'ils entrent dans le dessein et dans l'ordre de la Providence.
Vous croiriez, en lisant cette lettre, que je suis tout seul à Berlin, puisqu'il n'est question que de ma personne. Souvenez-vous seulement, mon cher Camas, que votre lettre y a donné lieu, et soyez persuadé que je vous entretiendrais mille fois plus volontiers de l'énumération de mes plaisirs que du récit de mes peines. Profitez des moments tranquilles que vous accorde le destin; connaissez leur prix, et jouissez-en. Le jour de mon départ doit s'approcher naturellement. Je vous avoue que, malgré mon impassibilité stoïque, je désire beaucoup le moment qui m'éloignera d'un endroit où je ne suis souffert qu'à regret, où l'on me hait, où l'on souhaiterait. Mais ne devinons point les pensées des autres; ce n'est pas à nous de sonder les cœurs. Poussons la charité jusqu'à mettre sur le compte de la douleur et d'une bile épaisse répandue ce que d'autres, moins scrupuleux, attribueraient au cœur de ceux qui les persécutent. La loi vivifiante n'est point mon mérite éminent,a mais la morale chrétienne n'en est pas moins la règle de ma vie.
Je salue mille fois madame de Camas, et cela, sans vous répéter l'ennuyeuse kyrielle de tous les sentiments avec lesquels je suis,
Mon cher Camas,
Votre très-fidèlement affectionné ami,
Federic.
a Voyez ci-dessus, p. 125.